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Les clés

Des images sur le malaise au travail

Les clés | À lire | publié le : 01.07.2019 | Irène Lopez

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Des images sur le malaise au travail

Crédit photo Irène Lopez

Partant d’une histoire authentique, le livre retrace le parcours d’une victime du monde du travail. Après une longue enquête, les auteurs racontent, dans une fiction, comment un système de harcèlement est mis en place, à tous les niveaux de la hiérarchie, afin de pousser les employés au maximum de leurs capacités… Un sujet dérangeant traité avec beaucoup de finesse.

Une fois n’est pas coutume, c’est un ouvrage pas comme les autres que nous présentons puisqu’il s’agit d’une bande dessinée. Et c’est un coup de cœur littéraire et sociologique. L’album Le Travail m’a tué raconte l’histoire de Carlos Pérez, fils de modestes immigrés espagnols. Son père, ouvrier, n’a pas réussi à devenir mécano et à ouvrir son garage, mais il a transmis à son fils sa passion pour les voitures. Jeune ingénieur, Carlos Perez est embauché en 1988 par une grande marque automobile française. Son rêve d’enfant se réalise. Alors que ses parents sont d’une classe modeste, il a gravi les marches de la société. Installé dans son travail, il se marie et attend un premier enfant… Sa vie se complique dès lors que la société emménage sur un nouveau site à l’opposé de la banlieue paisible où il a élu domicile (1 h 30 pour se rendre au travail et autant au retour). Une nouvelle génération de cadres survient avec la nouvelle direction. Il faut produire plus, toujours plus. La machine à broyer se met en marche. On l’envoie suivre le travail d’une usine en Argentine, pour mieux confier la suite de sa mission à un autre cadre. Lui devra aller en Roumanie, abandonnant provisoirement sa famille.

Un management inhumain

Les réunions inutiles se chevauchent, sa hiérarchie devient humiliante, inhumaine. AÌ bout, harcelé moralement, Carlos va commettre l’irréparable. On pense à Renault et la première vague de suicides en 2006, à France Telecom et la vague suivante de 2008-2009. Le parcours individuel de Carlos Perez devient l’histoire de milliers d’autres. Les cases et les bulles racontent au fil des pages la surcharge de travail, l’investissement du salarié proche du sacrifice, l’évaluation individuelle souvent perçue comme un déni de reconnaissance, les injonctions contradictoires… Une production uniquement analysée via des indicateurs chiffrés révèle un management inhumain. Les encadrants encadrent ce qu’ils ne connaissent pas. Même s’il n’est plus tabou, le sujet demeure dérangeant. Le dessin accompagne parfaitement ce sentiment. Le dessin « jeté » de Mardon, à la limite du croquis, révèle la tension et la dureté de la vie professionnelle. L’éditeur parle de « dessin uppercut ». Du noir, du rouge et un peu de bleu. Rien de plus pour raconter la descente aux enfers d’un salarié modèle brisé par l’entreprise. C’est très efficace. « On devient fou au travail parce que le travail rend fou », affirme François Desriaux, rédacteur en chef du magazine mutualiste Santé &Travail, cité en fin de bande dessinée.

Auteur

  • Irène Lopez