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« Tout est une question de motivation »

Le point sur | publié le : 17.06.2019 | C. A. E. K.

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« Tout est une question de motivation »

Crédit photo C. A. E. K.

Récemment nommée directrice de 42, l’école fondée par Xavier Niel qui forme des développeurs, Sophie Viger insiste sur la nécessité de combattre les stéréotypes.

Tout le monde peut-il devenir développeur ?

Oui et non. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le code c’est de la pensée humaine, ce qui rend la matière accessible à tous. Un boulanger peut devenir un super développeur.

Par exemple, j’ai vu beaucoup de personnes bonnes en langue aussi être bonnes en code, car c’est aussi un langage… Une vendeuse en téléphonie qui se disait nulle en maths a commencé la « piscine » (test d’admissibilité en immersion à l’école 42 d’une durée de quatre semaines qui comprend une série d’épreuves de code, NDLR). Elle s’est prise au jeu et a fini par réussir l’épreuve. Les gens ne savent pas qu’ils peuvent être bons. Ils peuvent être freinés par des stéréotypes. Il faut absolument qu’on diversifie le panel de personnes qui s’implique et qui travaille dans le développement informatique.

En revanche, tout le monde n’a pas forcément les qualités requises : il faut une certaine logique, beaucoup de rigueur, de la patience et un sens du jeu.

Quels sont les moyens d’identifier les capacités ?

Nous recevons 40 000 candidatures par an ; nous sommes donc obligés de faire passer des tests de logique pour présélectionner les candidats. Mais en réalité on pourrait s’en passer : à part se lancer dans les exercices, il est assez difficile de déterminer les capacités des candidats. D’ailleurs, on va peut-être être amenés à changer les méthodes de sélection pour faire attention aux effets de genre. Car quand on fait venir des femmes par exemple, par l’intermédiaire de Pôle emploi, elles font des mines compassées quand je leur parle de tests de logique. Elles ne pensent pas être capables de les réussir. Une fausse croyance qui vient de loin…

Les entreprises sont-elles ouvertes aux profils atypiques ?

Les entreprises ont très envie de recruter mais ont beaucoup de mal à changer leurs mentalités. Elles continuent à vouloir des ingénieurs, des bac + 5, en particulier les ESN (entreprises de services du numérique) qui vendent du CV. Malheureusement, le diplôme compte encore, alors qu’il n’a aucun intérêt : entre 35 % et 40 % de nos étudiants et étudiantes n’ont pas le bac, c’est énorme.

Mais on a une chance, c’est que 42 est regardée comme une grande école. C’est la pédagogie qui permet de faire émerger les compétences demandées en entreprises telles que la créativité, l’autonomie, ou encore la capacité à collaborer…

Le numérique est-il une voie d’insertion pour les seniors ?

Ça recrute à tous les niveaux. Avant, il y avait encore un certain jeunisme. Mais avec de l’expérience, comme l’entièreté des domaines se digitalise, le fait d’acquérir une brique de compétence supplémentaire intéresse aujourd’hui les entreprises. Nous avons expérimenté avec Pôle emploi la formation d’une trentaine de seniors sans emploi depuis quatre ans. On a fait un programme plus spécifique, en un an, avec de l’accompagnement fait par Pôle emploi. On a eu un taux de réussite de 75 %.

Vous avez récemment ouvert votre limite d’âge…

En faisant sauter la limite d’âge, nous avons trouvé davantage de femmes alors que nous n’en avions que 15 % auparavant. Sur les tranches d’âge de 30-40 ans, nous avons plus de candidatures féminines que masculines. Cela s’explique par le fait que contrairement aux hommes, pour qui l’informatique est une voie royale dès le plus jeune âge, les femmes sont moins présentes dans les écoles d’ingénieur et rencontrent le code plus tard.

Combien de temps faut-il pour être opérationnel après une reconversion ?

On peut, en travaillant 12 heures par jour, finir par partir en stage en entreprise au bout de cinq mois. Mais ce n’est pas donné à tout le monde… Par ailleurs, il faut se méfier des formations trop rapides, concentrées sur des petites compétences qui peuvent devenir obsolètes. La maîtrise de certains langages de base est un incontournable pour comprendre réellement l’informatique. Mais je ne suis pas pour autant partisane du « former plus » : ce qu’il faut, c’est avant tout développer les capacités d’autoformation.

Auteur

  • C. A. E. K.