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Sourcing : Comment pallier la pénurie de profils numériques

Le point sur | publié le : 17.06.2019 | Catherine Abou El Khair

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Sourcing : Comment pallier la pénurie de profils numériques

Crédit photo Catherine Abou El Khair

Développeurs, administrateurs, gestionnaires de données… Face aux pénuries de compétences sur les métiers numériques, les entreprises doivent innover dans leurs critères et méthodes de recrutement. L’étendue des besoins les force aujourd’hui à se débarrasser de toutes leurs idées reçues.

Une fois n’est plus coutume, l’informatique a fait partie, en 2019, des secteurs sujets à de fortes pénuries de recrutement : d’après la dernière enquête Besoins en main-d’œuvre de Pôle emploi, les ingénieurs et cadres d’étude, recherche et développement en informatique, et chefs de projets informatiques figuraient parmi le top 15 des métiers les plus recherchés, mais aussi les plus difficiles à pourvoir : 72 % des plus de 47 000 projets de recrutements prévus cette année sont anticipés comme difficiles. Certains métiers connaissent de fortes tensions, d’après Audrey Pérocheau, directrice du développement des compétences à Pôle emploi : codeur, technicien informatique, testeur logiciel, administrateur système réseau, gestionnaire de base de données ou encore data analyst font partie, entre autres, des métiers sur lesquels les tensions sont élevées.

Les pouvoirs publics s’emploient à transformer cette pénurie en opportunité pour des publics moins favorisés ou éloignés de ces métiers. Lancée en 2016, la Grande école du numérique, établissement qui labellise aujourd’hui près de 700 formations dans le domaine, a vocation à répondre aux besoins des entreprises en puisant dans de nouveaux viviers sans prérequis académique. 12 000 personnes ont été formées en 2018 et le même volume le sera cette année dans près de 80 métiers. Démarré l’an dernier, le plan « 10 000 formations au numérique » vise, lui, à accélérer l’insertion des jeunes et des demandeurs d’emploi bac ou infrabac. Les formations « cœur du numérique » progressent : en 2018, elles représentaient 3 % des formations financées par les différents partenaires publics (Pôle emploi, conseils régionaux, Opco), contre 1,5 % en 2017. Depuis plusieurs années, les entreprises du numérique n’hésitent plus à recruter parmi les chômeurs en mobilisant les actions de formation préalables au recrutement.

Les « scientifiques » prisés

Des recettes qui font leurs preuves, comme les préparations opérationnelles à l’emploi (POE). « On a de beaux résultats, avec des belles reconversions », convient Neila Hamadache, déléguée à la formation au Syntec Numérique. Les métiers du numérique sont-ils pour autant accessibles à tous ? Pas encore. « On reste en majorité sur des profils scientifiques, des personnes qui ont fait des cursus de mathématiques, de physique mais qui ont changé de voie », selon l’animatrice de la commission formation. Avoir une formation scientifique aide en effet, selon elle, à « apprendre rapidement les bases du codage ». Mais il reste du travail à faire pour ouvrir encore davantage le secteur à des profils plus littéraires ou issus des sciences humaines. Une nécessité, tant les pénuries sont criantes et les candidats trop peu nombreux. « On est en train de réfléchir à comment on peut créer des passerelles entre des formations en sciences humaines et de la formation continue, plus technique et plus en lien avec le métier », souligne Neila Hamadache.

Pour l’instant, les entreprises gardent encore un œil sur le niveau académique des candidats. « Aujourd’hui, la grande majorité des recrutements se fait sur des niveaux bac + 4 ou + 5 », souligne Neila Hamadache. « De manière dominante, les candidats identifiés sont encore les plus qualifiés. Les grandes entreprises sont très friandes de ce type de publics », confirme Audrey Pérocheau, directrice du développement des compétences à Pôle emploi. Les entreprises privilégient ainsi certains profils comme les docteurs issus de différentes disciplines scientifiques qui se sont engagés dans une reconversion dans le numérique.

Faire confiance

Pour les acteurs de la formation, les entreprises devront à l’avenir mettre encore plus de côté leurs a priori. « Il faut continuer à former des ingénieurs, mais tous les projets n’en nécessitent pas », ajoute Samia Ghozlane, directrice de la Grande école du numérique. Dans le domaine de la gestion et de l’analyse des données par exemple, « toutes les entreprises n’ont pas besoin de data analyst », souligne-t-elle. Des tâches relatives à ce domaine, telles que le nettoyage, le formatage et la datavisualisation peuvent être en pratique accessibles à des niveaux de qualification moins élevés. « Les bac + 5 n’ont aucune envie de coder alors qu’on a besoin de développeurs. Là où les entreprises pensaient en avoir besoin, nous, on leur montre qu’ils peuvent recruter à un niveau inférieur », abonde Elise Fraisse, directrice de Simplon.co, une entreprise sociale de formation qui a formé près de 4 000 personnes éloignées du marché du travail depuis son lancement aux métiers de devops, de développeurs web, data ou spécialisés en intelligence artificielle. In fine, les entreprises « doivent changer leur vision sur le recrutement et davantage faire confiance à d’autres acteurs », poursuit-elle.

Pour les convaincre, les professionnels de la formation soignent leurs systèmes de sélection et leur pédagogie, un point majeur pour déconstruire l’ensemble des stéréotypes associés aux métiers du numérique. « Pour les demandeurs d’emploi, on travaille sur une sélection très forte : une personne sur dix. Il faut que les candidats soient très motivés », insiste Elise Fraisse. Motivation, appétence, capacité à travailler en équipe figurent parmi les soft skills recherchées et évaluées si besoin à partir de tests techniques accessibles en ligne. De son côté, Pôle emploi se fie également à des batteries d’épreuves : l’établissement a récemment ouvert le métier de codeur à la méthode de recrutement par simulation. Une méthode sans CV qui a le mérite de capter des profils plus inattendus. Et sans davantage d’échecs de recrutement à la clé, affirme l’établissement public.

Reste aux entreprises à s’adapter. Pour cela, engager ainsi des POE longues suivies de contrats de professionnalisation ou d’apprentissage peut être nécessaire. Cependant la pratique, promue par les acteurs de la formation dans les métiers du numérique, « reste encore très émergente », selon Audrey Pérocheau.

Rôle de l’accompagnement

Par ailleurs, après l’embauche, l’accompagnement doit « faire partie de la culture de l’entreprise, avertit Neila Hamadache. Pour quelqu’un qui a fait cinq ans de sociologie et qui ne connaît rien du numérique, il faut prévoir quand même des formations organisées et correctement animées pour transmettre les compétences nécessaires. Sur ce type de recrutement, il ne faut pas être pressé de mettre la personne à disposition d’un client dans les trois semaines qui suivent son embauche ».

Auteur

  • Catherine Abou El Khair