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Le fait de la semaine

QVT : Le bien-être, un levier de performance pour les Scop

Le fait de la semaine | publié le : 17.06.2019 | Nathalie Tran

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QVT : Le bien-être, un levier de performance pour les Scop

Crédit photo Nathalie Tran

Fondées sur le partage des résultats, des décisions et du pouvoir, les sociétés coopératives proposent un modèle de management innovant qui favorise la transparence, l’échange, la confiance et la proximité entre gérants et salariés-associés. Un modèle qui participe à la qualité de vie au travail et ouvre des perspectives en termes de management, d’organisation et de bien-être. Décryptage.

Et si le modèle coopératif était un exemple à suivre ? À l’heure où un certain nombre d’entreprises repensent leur mode d’organisation afin de s’adapter aux attentes des Millennials, dont l’épanouissement au travail passe par un environnement convivial, plus de flexibilité et d’autonomie, des marques de reconnaissance, un bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et un management plus horizontal, les Scop (sociétés coopératives et participatives), les Scic (sociétés coopératives d’intérêt collectif) ou CAE (coopératives d’activité et d’emploi) ont de longue date devancé l’appel. Ces sociétés coopératives expérimentent, en effet, une nouvelle relation au travail, à l’entreprise et au management, qui visent précisément à répondre à l’ensemble de ces critères.

Leur particularité : leur « plus humain ». Elles font de la participation des salariés un instrument du développement de l’entreprise. « Le côté participatif se retrouve à la fois dans l’institution de moments conviviaux et dans le choix des orientations stratégiques décidées collégialement », résume Philippe Négroni, ergonome, spécialiste des questions d’organisation et de vie au travail, et auteur du rapport de la Confédération générale des Scop (CG Scop) sur les innovations managériales et les pratiques coopératives. Un travail mené au premier semestre 2018*, dans le cadre d’un appel à projets de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). L’occasion, explique Pierre Liret, directeur formation et emploi à la CG Scop, d’identifier les innovations managériales des Scop et des Scic et d’analyser leur impact sur la qualité de vie au travail (QVT).

Les valeurs avant les compétences

À cet effet, Philippe Négroni a disséqué le fonctionnement de douze coopératives, au travers de témoignages de dirigeants et de salariés. Il ressort de cette analyse « une marque de fabrique managériale assez commune ». En matière de recrutement, tout d’abord, un certain nombre de responsables de Scop privilégient le parcours de vie, les valeurs du candidat et son envie de rejoindre la société avant les compétences. Deux d’entre eux ont quasiment embauché l’ensemble du personnel sans qualification, misant sur l’accompagnement, la formation et l’inscription dans un collectif. Toutefois, pour éviter les erreurs de casting et s’assurer que les candidats vont bien s’adapter à la culture coopérative, l’embauche commence généralement par un CDD qui, s’il est concluant, est alors transformé en CDI. Le plus souvent, une période probatoire est également imposée avant de devenir coopérateur. Il faut parfois attendre deux ans ou deux passages en AG avant d’être adoubé comme associé par l’ensemble des membres.

Management collectif

Le management, quant à lui, est un exercice collectif et prend des formes plutôt transverses et horizontales. Les dirigeants interrogés se voient plus comme des facilitateurs, des collègues-animateurs ou des coordinateurs d’équipe que des supérieurs hiérarchiques. « En Scop, on ne parle pas de manager, dit l’un d’entre eux, mais de référents avec des fonctions d’encadrement. » Le contrôle n’est pas dans l’esprit des Scop et la « hiérarchie » n’est pas ressentie comme telle : « On se sent au même niveau », affirment des salariés. Tous parlent d’autonomie dans le travail, de responsabilité, de bienveillance, de droit à l’erreur, de transparence et de communication interne. Ce qui explique sans doute que « les IRP sont plus dans le dialogue social que dans la confrontation », note Philippe Négroni. L’auteur du rapport relève également une proximité et une confiance plus grandes entre patrons et salariés que dans d’autres entreprises. Le fait que les dirigeants soient recrutés par les salariés eux-mêmes et souvent parmi eux, n’est pas anodin. Cette proximité peut cependant avoir des effets négatifs, remarque Philippe Négroni, lorsque le cadre organisationnel n’est pas clairement formalisé et crée alors un flou sur les responsabilités de chacun. Tout comme la très grande autonomie laissée aux équipes peut être déstabilisante pour certains salariés.

Une place importante est consacrée à l’échange et à la discussion. Questionner, confronter les points de vue, s’écouter et prendre des décisions collégiales est à la base du système. Ce qui fait aussi que le modèle n’est pas toujours simple à mettre en place : « Il a fallu dix ans pour monter la scop car le fonctionnement ne convenait pas aux gens », raconte un gérant. Si le fait de tester et construire le projet pas à pas jusqu’à ce qu’il soit partagé de tous est économiquement coûteux, d’un point de vue stratégique, cette maturation est « un levier pour se donner les conditions d’un fonctionnement pérenne offrant une QVT partagée », pointe le rapport. « La qualité de vie au travail est une composante du modèle coopératif, souligne Philippe Negroni. Même si les sociétés coopératives ne sont pas toujours conscientes de faire aussi de la QVT. »

Une pression positive

En filigrane, c’est le bien-être des salariés qui est recherché. À cet effet, par exemple, l’une des sociétés auditées est passée à la semaine de quatre jours (9 heures par jour et le vendredi disponible) pour offrir plus de temps libre à ses salariés. En ce sens, les Scop et les Scic s’inscrivent bien dans la philosophie de la QVT, portée par l’Accord national interprofessionnel (Ani) de 2013, selon laquelle il s’agit de « concilier à la fois l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale de l’entreprise ». Un modèle qui « s’il ne garantit pas le bien-être, y participe », constate le rapport. La pression existe aussi en coopérative mais elle reste « positive » car les salariés trouvent un sens dans leurs actions. « Les gens savent pour qui et pourquoi ils travaillent, remarque Pierre Liret. Et c’est ce qui fait qu’ils se sentent bien. Quand on se crée un outil de travail, on a envie qu’il perdure. » L’engagement du personnel et son attachement à l’entreprise sont extrêmement forts. Mais c’est aussi là que le bât blesse car la frontière entre vie professionnelle et vie privée peut vite s’estomper. Maintenir l’équilibre entre les deux constitue un point sur lequel dirigeants et salariés-associés doivent veiller, d’autant que le fait d’appartenir à une communauté, « une famille » comme le disent certains, relativise le temps important qu’ils consacrent à leur travail.

Le mouvement coopératif en chiffres

• 12 unions régionales.

• Plus de 3 311 coopératives, soit + 3,8 % en un an.

• 60 400 emplois, soit + 4,5 % en un an.

• 2/3 des Scop et Scic ont moins de 10 salariés.

• 5,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit + 6,2 % en un an.

• Un taux de pérennité à cinq ans de 68 %.

Source : CG Scop, bilan 2018.

* L’étude a été réalisée auprès de douze coopératives des régions Grand Est, Occitanie pôle Midi-Pyrénées et Ile-de-France.

Auteur

  • Nathalie Tran