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Préjudice d’anxiété : Vers un droit à agir pour tous les salariés ?

L’actualité | publié le : 17.06.2019 | Ingrid Seyman

Le 20 juin, la Cour de cassation statuera sur le sort de mineurs lorrains qui demandent réparation à leur ex-employeur au titre d’un préjudice d’anxiété lié à l’amiante et à d’autres substances cancérigènes. Cette décision pourrait acter l’ouverture de ce préjudice à l’ensemble des salariés.

Jeudi prochain, la formation plénière de la chambre sociale de la Cour de cassation examinera le pourvoi déposé par 732 mineurs de charbon lorrains, qui réclament au liquidateur des Charbonnages de France la somme de 15 000 euros chacun sur le fondement d’un préjudice d’anxiété lié à divers produits toxiques. « Outre l’amiante, ces mineurs ont été exposés à une vingtaine d’autres substances cancérogènes », souligne François Dosso, animateur de ce combat pour les mineurs CFDT. Si la décision de la Cour de cassation est si attendue, c’est parce qu’elle acterait que le préjudice d’anxiété, jusqu’ici réservé aux salariés exposés à l’amiante, pourrait être étendu aux personnes ayant subi une exposition à d’autres types de produits dangereux. Voire à toutes sortes de risques professionnels, susceptibles de déclencher une pathologie grave ?

Jusqu’au 5 avril dernier, il fallait, pour pouvoir prétendre à la réparation d’un préjudice d’anxiété, répondre à deux conditions : ne pas être déjà malade des suites d’une exposition à l’amiante et avoir travaillé dans un établissement ouvrant droit à une allocation de retraite anticipée du fait de cette exposition. Une jurisprudence qualifiée de « discriminatoire » par Valentin Quadrone, un ex-salarié d’EDF, qui a déclaré un cancer du poumon en 2009 : « Pendant des années, mes collègues et moi avons respiré de l’amiante au quotidien. Mais comme EDF n’était pas affilié au régime général et que cette affiliation était nécessaire pour prétendre à l’inscription sur la liste des établissements amiante, nous étions privés d’un droit dont disposaient des salariés ayant été soumis à des expositions parfois inférieures à la nôtre. » Les anciens salariés d’EDF n’étaient pas les seules victimes de cette injustice. « C’était aussi le cas de dockers et de métallos, d’intérimaires ou de salariés de sous-traitants travaillant sur des sites amiantés mais non classés comme tels », poursuit Alain Bobbio, membre de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva).

Revirement de jurisprudence

Mais le 5 avril dernier, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence. Pour la première fois, elle a admis qu’un salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, puisse agir contre son employeur quand bien même ce salarié n’aurait pas exercé dans un établissement classé amiante. En liant le préjudice d’anxiété au droit commun, elle a renversé la charge de la preuve : alors que les salariés ayant travaillé dans des établissements classés amiante en étaient dispensés, ceux qui ne dépendent pas de ce régime particulier ont pour obligation de prouver qu’ils ont été soumis à une exposition fautive du fait de leur employeur. Mais cette nouvelle jurisprudence semble également ouvrir le champ d’application de ce préjudice. « Les salariés d’établissements non classés amiante, mais également ceux exposés à d’autres substances cancérogènes ou mutagènes, pourront demander réparation », estime l’avocate Élisabeth Leroux.

Une ouverture pour tous les salariés ?

La Cour de cassation va-t-elle prendre en compte la vingtaine de substances nocives pour leur santé auxquels les anciens mineurs ont été exposés ? Si tel était le cas, elle confirmerait que le préjudice d’anxiété ne saurait désormais être cantonné au risque lié à l’amiante, alors que 20 % des cancers d’origine professionnelle résultent d’une exposition à d’autres substances. « Si le préjudice d’anxiété dépend désormais du droit commun, tout salarié susceptible de développer une pathologie grave à cause d’une faute de son employeur, devrait pouvoir demander réparation », estime François Dosso. De là à imaginer que d’autres risques – comme les RPS – puissent ouvrir le droit à réparation sur le fondement d’un préjudice d’anxiété, il n’y a qu’un pas que les experts se gardent de franchir. D’autant plus que la notion de risque grave, comme ses contours, ne sont pas définis par le Code du travail.

Auteur

  • Ingrid Seyman