L’Assemblée a adopté le 28 mai, en première lecture, le projet de loi de « transformation de la fonction publique ». Il concerne les 5,5 millions d’agents dans les trois versants (État, Territoriale et Hospitalière). Olivier Dussopt, secrétaire d’État en charge de la Fonction publique, le justifie par le « besoin de moderniser le statut ». Son objectif : rendre la fonction publique « plus agile et plus véloce ». Cela passe notamment par le changement en profondeur des règles du dialogue social.
Une journée nationale d’action en mai, des semaines de débats parlementaires : le projet de loi de « transformation de la fonction publique » porte des sujets lourds comme la réduction du nombre de fonctionnaires, le recours accru aux contractuels, le développement de la mobilité, la simplification du dialogue social… Le gouvernement critique, en effet, l’efficacité des 22 000 instances de dialogue social de la fonction publique qu’il juge chronophages, et envisage d’en réduire le nombre. Il souhaite créer une instance unique, le comité social d’administration (CSA) sur le modèle du comité social et économique (CSE) en droit du travail, issu des ordonnances Macron du 22 septembre 2017. Calquant la fusion des instances représentatives du personnel instaurée dans le secteur privé, le futur CSA sera issu de la fusion des comités techniques (CT) et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). C’est l’article 2 du premier article de la loi. On compte 1 200 CT et plus de 2 000 CHSCT uniquement au sein de la fonction publique d’État. Mais cette simplification est aussi réclamée par 84 % des DRH hospitaliers selon une enquête de l’Adrhess, association regroupant des professionnels RH. Toujours selon l’association, 55 % considèrent que ce regroupement serait un élément « crucial d’amélioration du dialogue social ».
Aujourd’hui, le comité technique exerce ses compétences sur les questions relatives à l’organisation et au fonctionnement des services de l’établissement. Le CT est consulté sur la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, les règles d’échelonnement indiciaire et statutaire, les grandes orientations en politique indemnitaire, les critères de répartition, la formation, le développement des compétences et des qualifications, l’insertion et l’égalité professionnelles, la parité et la lutte contre les discriminations. À partir de 50 agents, la création d’un comité technique est obligatoire. Au-delà de 50 agents, la création d’un CHSCT est également obligatoire. Ce dernier est consulté sur tout projet d’aménagement important qui peut avoir des conséquences sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des agents. Dans ses missions, le comité d’hygiène doit participer à l’amélioration des conditions de travail et veiller à la mise en place de la réglementation en la matière. Il participe également à l’analyse et à la prévention des risques professionnels. En bref, il est chargé de protéger l’intégrité physique et mentale des salariés.
Pour les neuf organisations syndicales représentatives de la fonction publique, la fusion des instances a pour conséquence « d’affaiblir et de diluer » le rôle des représentants des agents. Aujourd’hui, par exemple, en cas de restructuration, le CT et le CHSCT sont réunis. Demain, seul le CSA le sera. « Moins de temps pour étudier les dossiers, moins de dossiers soumis, moins de représentants du personnel formés, moins de points de vigilances obligatoires… », observent les syndicats.
Mais ce qui inquiète le plus les syndicats, c’est la réforme des commissions administratives paritaires (CAP). Au nombre de 349 au sein de l’État, elles doivent être obligatoirement consultées avant toute décision relative à la carrière des agents (détachement, titularisation, mobilité, avancement en grade et promotions…). Dans certains ministères, comme l’Éducation nationale ou l’Intérieur, le poids des CAP conduit à une véritable cogestion du personnel avec les syndicats. Or, pour redonner plus de pouvoirs et de souplesse aux managers publics, le gouvernement prévoit de supprimer l’avis systématique de la CAP pour les promotions et mobilités. Les CAP ne seraient plus que des instances de recours que les agents et leurs représentants pourraient saisir en cas de conflit.
Dans l’article 4 du projet de loi, les commissions administratives paritaires (CAP) voient donc leurs pouvoirs réduits. Elles peuvent être saisies sur « les décisions individuelles » par un salarié. Mais elles n’examinent plus d’office les mutations, l’avancement ou les sanctions. Par exemple, un agent qui a été écarté à tort d’une mutation, peut toujours saisir la CAP mais cela n’annulera pas la mutation qui a déjà été décidée par la seule autorité hiérarchique sans consulter personne. Le recours est virtuel.
Inutile de dire que les syndicats ont bataillé contre cette modification profonde du rôle des commissions : « La disparition des missions des actuels CAP et leur transformation renforceront l’individualisation des relations entre le supérieur hiérarchique et l’agent au risque d’altérer le fonctionnement des services publics », expliquent les syndicats. En leur retirant leur contrôle sur les actes courants des carrières des fonctionnaires (mutation, avancement), le gouvernement vise clairement la fin de la « cogestion » et pour corollaire l’affaiblissement des syndicats de fonctionnaires. Lorsque la réforme sera en application, les agents pourront signer un « contrat de projet » directement avec leur manager. Une révolution copernicienne pour la fonction publique !
27 mars 2019
« Transformation de la fonction publique » de Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, et Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre, est déposé à l’Assemblée nationale.
3 mai 2019
Dépôt du rapport de la députée Émilie Chalas, fait au nom de la commission des lois.
28 mai 2019
Le texte est adopté par l’Assemblée nationale (voté par 351 voix contre 156 et 53 abstentions) et transmis au Sénat le lendemain.
Du 18 au 20 juin et du 25 au 27 juin 2019
Discussion en séance publique.
Entamé début mai à l’Assemblée nationale, l’examen parlementaire du projet de loi « sur la transformation de la fonction publique » va se poursuivre au Sénat à partir du 18 juin. Le gouvernement souhaite le faire adopter définitivement avant l’été pour une application au 1er janvier 2020.