Une décision venue « du haut » et mal comprise, des signes de reconnaissance de la part d’un supérieur hiérarchique pour certains seulement, une augmentation qui vous passe sous le nez… les perceptions d’injustices dans le monde du travail peuvent être nombreuses. Au point de rendre les collaborateurs malades ? C’est ce que cherche à démontrer Caroline Manville, professeure des universités à Toulouse School of Management. Déjà, dans une première étude, cette spécialiste de l’injustice a établi, à l’instant T, un lien entre injustices perçues et troubles musculosquelettiques (TMS). « La perception de l’injustice entrave le processus de récupération des collaborateurs », explique ainsi Caroline Manville. De fait, si un collaborateur ressasse, chez lui, avant de se coucher, par exemple, ce qu’il perçoit comme une injustice à son endroit, « la qualité de son sommeil s’en trouve affectée, et cette situation peut conduire à l’épuisement émotionnel, qui lui-même induit des TMS », poursuit-elle. Dans le sillage de cette étude sur les mécanismes intermédiaires, la professeure veut maintenant procéder à une mesure plus large du phénomène. Dans ce but, elle a obtenu un budget de 367 000 euros de la part de l’Agence nationale de la recherche. Les nouvelles études porteront sur 3 000 salariés, dans des secteurs d’activité variée (industrie, commerce, services, médico-social…), assorties d’un suivi de deux ans, sous forme de questionnaires à remplir, « afin de prendre en compte la dynamique du phénomène », explique la chercheuse.
Au-delà de la direction et du supérieur direct, les collaborateurs prendront également en compte leur relation avec des clients, des patients ou d’autres salariés. Il s’agit donc cette fois-ci d’observer l’environnement social complet des répondants à l’étude. En plus de l’établissement d’un lien plus précis entre perception de l’injustice et TMS, via la qualité du sommeil, d’autres éléments entreront en jeu. « Il s’agit en effet de permettre aux collaborateurs qui souffrent des injustices qu’ils perçoivent de trouver des moyens pour reconstituer leurs ressources, physiques et mentales, en se détachant de leurs perceptions », note la spécialiste de l’injustice au travail. Comment ? « Cela va du droit à la déconnexion à la pratique d’un sport, par exemple, répond-elle. Les entreprises peuvent mettre en place des solutions, mais attention à ne pas apparaître cyniques ! », prévient la professeure Manville. Pas question en effet de ne pas lutter d’abord contre les injustices ou la perception que peuvent en avoir les salariés. Gestion humaine adéquate, explications, communication sont évidemment les meilleures parades.