Il existe mille et une façons de lire Marx. Le lire dans un transat est l’une d’elles. La couverture choisie par l’éditeur Dunod nous y incite fortement avec le dessin d’un Karl Marx en maillot de bain construisant des châteaux de sable à la plage. Être dérouté par le visuel est tout à fait normal. C’est même l’effet voulu. Pour la plage (ou dans un transat), les lectures dites « faciles » sont privilégiées. C’est bien l’ambition du livre écrit par l’historien Jean-Numa Ducange. Il propose un ouvrage accessible à tous. Il vulgarise la pensée de Marx ainsi que son ouvrage majeur qui reste une référence : Le Capital. Pourquoi ? Parce que les théories du socialo-communiste allemand peuvent paraître intimidantes voire rebuter le plus courageux des lecteurs. Et c’est gagné. Les 143 pages s’avalent d’autant mieux que l’auteur s’intéresse à la réception de Marx au cours du XXe siècle, l’importante postérité « marxiste » et son héritage. Jean-Numa Ducange a souhaité en premier lieu se départir de quelques préjugés couramment répandus. Ils sont nombreux. Celui qui revient le plus souvent est l’intervention de l’État : un étatisme débouchant sur le « totalitarisme », dont l’expérience stalinienne serait emblématique. Or, Marx a critiqué les bureaucraties de son temps : l’appareil d’État prussien comme le tsarisme russe et son autoritarisme qu’il a longtemps considéré comme une des pires constructions politiques de son époque, ou encore, la croissance « parasitaire » de l’État français sous le Second Empire. Cet exemple sur l’État montre bien combien l’œuvre de Marx mérite un examen attentif, pour le sortir des caricatures.

L’auteur restitue une partie du discours que Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, ex-premier ministre du Luxembourg et peu suspect de sympathie excessive pour le marxisme, a donné l’année dernière pour célébrer le centenaire de la mort du théoricien de la révolution : « Ce qu’il [Marx] a interprété, ce qu’il a suggéré, ce qu’il nous a laissé, a contribué à changer le monde. Cela a inspiré´ beaucoup de gens, d’origines et d’obédiences diverses. (…) Sa pensée était orientée vers l’avenir, il a créé des aspirations novatrices, et aujourd’hui, il représente des choses dont il n’est pas responsable, qu’il n’a pas causées, car beaucoup de ce qu’il a écrit a été reformulé pour en faire le contraire… » Autre exemple encore plus surprenant, celui d’Emmanuel Macron qui, en mai 2017, affirme dans Elle : « Mon conseil à la jeunesse : lire Karl Marx ! » Bref, le Marx analyste du capitalisme est respecté bien au-delà de ses seuls partisans. À lire donc pour comprendre la remarquable méthode d’analyse de Marx.