logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le fait de la semaine

Formation : L’Afpa fonce sur l’apprentissage

Le fait de la semaine | publié le : 03.06.2019 | Benjamin d’Alguerre

Image

Formation : L’Afpa fonce sur l’apprentissage

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

L’Agence nationale pour la formation des adultes profite de la loi « Avenir professionnel » pour se lancer sur le marché de l’apprentissage où elle ne se positionnait que de manière anecdotique. Peut-être un moyen de trouver de nouvelles marques à l’aube d’un plan de restructuration particulièrement rude.

La « révolution copernicienne » de l’apprentissage passera aussi par l’Afpa. Le 18 avril, le conseil d’administration de l’agence a intégré l’apprentissage aux missions d’Afpa Entreprises, sa filiale dédiée aux prestations à destination du marché privé. Dès septembre, elle devrait être en mesure de proposer une première offre de formation en alternance sur une dizaine de titres professionnels (essentiellement de niveau CAP), portant notamment sur le bâtiment (réseaux électriques, aménagements-finitions, béton…), la production industrielle (conduite de machines), le magasinage, le secrétariat ou encore la distribution. « Il s’agit d’une orientation décidée voici dix-huit mois. Elle a été rendue possible par la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » qui simplifie le cadre du développement de l’apprentissage et permet à n’importe quel opérateur de formation de créer ses propres CFA », explique Rémi Bordet, directeur du développement de l’Afpa.

Offre double sur l’alternance

Pourtant, l’alternance ne constitue pas une offre totalement nouvelle pour l’Agence, même si sa contribution était anecdotique. À peine 4 500 contrats réalisés, dont l’immense majorité (4 300) au titre de la professionnalisation. L’apprentissage se limitait à 200 contrats, au sein d’un CFA de la deuxième chance en Nouvelle Aquitaine. « Aujourd’hui, la présence de l’Afpa sur le marché de l’alternance est insignifiante en termes de chiffre d’affaires », résume André Thomas, président de la CFE-CGC Afpa. Demain, en revanche, l’Afpa sera en mesure de proposer aux particuliers et aux entreprises une offre double, réalisée au titre du contrat de professionnalisation, ou sous le statut de l’apprentissage. « Nous avons travaillé notre offre de telle manière que nos clients puissent choisir l’une ou l’autre de ces modalités en fonction des critères différenciants que sont l’âge des stagiaires, la durée du contrat, la nature de la certification visée ou l’origine des financements », détaille Denis Lullier, directeur des projets au sein de l’Agence. L’Afpa pourra en outre bénéficier des souplesses nées de la réforme. Si la plupart des cursus sont calés sur des durées oscillant de 12 à 18 mois, leur rythme pourra varier en fonction des prérequis des candidats. Quant aux tarifs pratiqués, ils devraient s’aligner sur les fourchettes de prises en charge des opérateurs de compétences (Opco) déterminés par les branches professionnelles.

Une ouverture « trop timide »

Cette nouvelle orientation vient à point pour un opérateur dont les comptes sont dans le rouge depuis bientôt dix ans (507,8 millions d’euros de pertes d’exploitation en 2019), faute d’avoir su compenser la disparition des subventions régionales directes. Le « plan de transformation » de l’opérateur doit, après plusieurs mois d’atermoiements, être présenté au conseil d’administration le 20 juin. Selon une source proche du dossier, il devrait se révéler moins saignant qu’initialement prévu. Les 1 541 suppressions de postes programmées en octobre dernier (sur 8 200 au total) devraient se limiter à « seulement » 1 300, dont la moitié au titre d’un plan de départs volontaires (PDV) et l’autre selon les règles d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Dans ces conditions, l’ouverture d’un nouveau marché est perçue positivement. « C’est une très bonne nouvelle, même s’il est regrettable que cette ouverture à l’apprentissage soit si timide », analyse André Thomas. Timide parce que dans sa phase de lancement (2019-2020), l’Afpa souhaite limiter son offre à un CFA par région, en évitant de s’implanter là où une offre similaire existe déjà. Dans les couloirs du siège de Montreuil, on murmure que cette option résulterait davantage d’une injonction ministérielle que d’un choix librement consenti…

Concurrence ou complémentarité

« À partir du moment où le marché de l’apprentissage s’ouvre, il est normal qu’il suscite davantage de concurrence. Encore faut-il que celle-ci reste libre et non faussée », avertit Bernard Stalter, président de CMA France, le réseau des chambres de métiers de l’artisanat. Il faut dire qu’avec ses 206 établissements qui maillent le territoire (même si 38 doivent fermer dans le cadre de la restructuration) disposant en outre de capacités d’hébergement et de restauration pour les stagiaires, l’Afpa aurait tout pour devenir un mastodonte territorial, susceptible de faire de l’ombre aux réseaux de CFA déjà installés. « Si une entreprise doit choisir où elle enverra ses apprentis, alors il y aura forcément concurrence », annonce Patrick Maigret, président de la FNADIR, l’association des directeurs de CFA, qui imagine plutôt une complémentarité entre les centres de formation « traditionnels », habitués à accueillir un public jeune et à le former à des diplômes de l’Éducation nationale, et ceux de l’Afpa susceptible de se tourner vers des alternants plus âgés, en reconversion professionnelle, formés sur des titres du ministère du Travail. Dans les Hauts-de-France, l’agence est ainsi, depuis 2015, à la tête d’Hepta+, un « hub » regroupant une trentaine de prestataires (chambres de commerce, fédérations professionnelles, organismes de formation…) susceptibles d’apporter une réponse groupée aux appels d’offres régionaux. À ce titre, d’autres réseaux, à l’image des Compagnons du Devoir, se réjouissent de l’arrivée de l’Afpa sur ce segment. « Si on veut être au rendez-vous de l’apprentissage, tant mieux si l’Afpa s’y positionne. Puisque n’importe qui peut ouvrir son CFA, j’aime autant que ce soit eux avec leur expérience en matière de formation ! », confie le secrétaire général des Compagnons, Jean-Claude Bellanger. Reste donc à l’Afpa à démontrer sa légitimité sur ce nouveau secteur.

Pas de CEP pour l’Agence

Si l’agence avait songé à se positionner sur le conseil en évolution professionnelle (CEP) en remplacement des Fongecif (devenus « Transitions Pro ») qui perdent ce service, le conseil d’administration de l’Afpa en a décidé autrement mi-mai. Elle ne sera donc pas partie prenante de cette offre malgré sa montée en puissance (400 000 opérations de conseil prévues en 2020, 700 000 en 2023) et se prive au passage d’une partie de la manne financière du CEP qui, pourtant, ne ferait pas de mal à sa trésorerie…

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre