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L’actualité

Temps de travail : La CJUE alourdit l’obligation de l’employeur

L’actualité | publié le : 03.06.2019 | Gilmar Sequeira Martins

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu le 14 mai un arrêt qui replace la mesure du temps de travail sous le feu des projecteurs. Sollicitée par l’Audiencia Nacional espagnole à la suite d’un litige opposant un syndicat espagnol (Federación de Servicios de Comisiones Obreras – CCOO) à la Deutsche Bank au sujet de l’obligation, prévue la loi espagnole, de transmettre aux représentants syndicaux les informations relatives aux heures supplémentaires, la juridiction européenne estime que les directives sur le temps de travail (2003/88/CE) et celle sur la sécurité et la santé des travailleurs (89/391/CEE), s’opposent à une réglementation qui n’impose pas aux employeurs l’obligation d’établir un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque salarié. Rappelant que le travailleur doit être considéré comme la partie faible dans la relation de travail, ce qui rend nécessaire d’empêcher l’employeur de lui imposer une restriction de ses droits, la CJUE constate que, en l’absence d’un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier de chaque travailleur, il n’est pas possible de déterminer de façon objective et fiable ni le nombre d’heures effectuées, ainsi que leur répartition dans le temps, ni le nombre d’heures supplémentaires, ce qui rend excessivement difficile, sinon impossible en pratique, pour les travailleurs de faire respecter leurs droits.

Un « système objectif, fiable et accessible »

La CJUE conclut que les États membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un « système objectif, fiable et accessible » permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

À charge aussi pour eux de définir les modalités concrètes de mise en œuvre en tenant compte, si besoin, des particularités propres à chaque secteur d’activité concerné, voire des spécificités, notamment, de la taille de certaines entreprises.

Le ministère du Travail assure cependant qu’aucune modification législative ne sera nécessaire puisque la loi actuelle oblige déjà l’employeur à « s’assure[r] régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition, dans le temps, de son travail ». La décision de la CJUE pourrait cependant alimenter les contentieux puisqu’elle donne des arguments supplémentaires aux salariés qui veulent saisir le juge à la suite d’un conflit sur les heures supplémentaires ou sur leur charge de travail.

Selon Diego Parvex, avocat du cabinet Atlantes, l’obligation de l’employeur sur la mesure du temps de travail s’en trouve alourdie : « C’est sur lui que repose l’obligation de ce décompte et non pas sur le salarié. Jusqu’à présent, la Cour de cassation postulait un partage de la charge de la preuve entre salarié et employeur. L’arrêt de la CJUE est un argument supplémentaire pour les salariés qui veulent faire valoir leurs droits lorsqu’ils travaillent dans une entreprise dépourvue d’un système de décompte du temps de travail. Ils pourront argumenter que ce n’est pas à eux d’apporter la preuve du décompte.

Dans la réalité, le juge français se retournera encore dans un premier temps vers le salarié demandeur à l’instance, mais il sera peut-être moins exigeant envers lui et plus exigeant envers l’employeur. Il sera moins aisé pour ce dernier de se réfugier derrière l’absence d’obligation de décompte du droit national, le salarié pouvant argumenter utilement sur l’existence et la portée consacrée par la CJUE, de l’exigence de décompte. Dès lors, l’employeur s’expose à un risque accru de sanction. »

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins