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Sur le terrain

Organisation du travail : ISECO Saint-Phal : le salut par la hiérarchie plate

Sur le terrain | publié le : 27.05.2019 | Lucie Tanneau

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Organisation du travail : ISECO Saint-Phal : le salut par la hiérarchie plate

Crédit photo Lucie Tanneau

Après une mise en cessation de paiement et une reprise, le fabricant de chariots de restauration à destination des collectivités a complètement revu son organisation. Avec des plannings et une hiérarchie beaucoup plus souples.

En 2017, tout a failli s’arrêter. Sébastien Revel est arrivé aux manettes d’Iseco Saint-Phal, dans l’Aube, après une mise en cessation de paiement. Il travaillait alors chez un concurrent, à Lyon. C’est avec son ancien patron qu’il a décidé de tenter de redresser la barre, avec des nouvelles méthodes de travail. Le spécialiste de la fabrication de chariots de livraison de repas pour les collectivités est dans le rouge depuis plusieurs mois. Pour faire face, Sébastien Revel et Jérôme Brossat ne conservent que 25 des 57 salariés (choisis par l’administrateur judiciaire). Ils décident aussi de revoir en profondeur les relations sociales et la gestion des plannings, alors que commandes et fournisseurs se sont envolés.

« Chez mon ancien employeur, on avait testé une hiérarchie forte, avec une organisation très structurée basée sur du lean management : ça n’avait pas marché et on avait donc réfléchi à autre chose. » Une méthode avec davantage d’autonomie et de prise de responsabilité individuelle que le nouveau directeur va donc éprouver à Saint-Phal. Dès juillet 2017, au moment de la reprise de l’entreprise, les réunions s’enchaînent. « Nous avons présenté aux collaborateurs notre idée fondée sur deux questions : pour qui et pourquoi. On travaille pour satisfaire le client. Comment, je m’en moque », indique le dirigeant.

Les salariés de production reçoivent donc les commandes du responsable de l’ordonnancement et établissent eux-mêmes leur planning pour y répondre. « Les indicateurs ont fait beaucoup de mal à nos métiers », croit le directeur. « Ce ne sont pas des machines qui doivent dicter le rythme et les cadences mais les hommes qui travaillent sur les machines : on travaille pour des clients, pas pour les indicateurs », corrige-t-il.

Un nouvel état d’esprit

La pointeuse fonctionne toujours mais la modulation horaire tourne à plein. « La première année, nous avons fait beaucoup de semaines de 28 heures faute de commandes », reconnaît le directeur. « Depuis 2019, nous sommes plus souvent à 35, 39, voire 42 heures », se félicite-il. Avec un salaire lissé sur l’année et la possibilité d’heures supplémentaires. « Les sanctions en cas de retard ont disparu, les gars rattrapent en fin de journée si besoin ou dans la semaine. Tant que le boulot est fait, ça me convient », assure Sébastien Revel.

Pourtant la mise en place de ce fonctionnement avec un nouvel état d’esprit est encore difficile. Avec une moyenne d’âge de 46 ans et 21 ans d’ancienneté en moyenne, les anciennes habitudes reviennent rapidement. « Nous nous sommes vite rendu compte que les salariés étaient perdus dans ce nouveau système. Donc nous avons ajouté des leaders dans les équipes soudures, tôlerie et électricité afin de faire le lien avec le responsable de l’ordonnancement des commandes », décrit le directeur. « Depuis, c’est mieux : les relations sont plus fluides. Mais ce n’est pas encore naturel à chacun de remonter les dysfonctionnements au bureau d’études. Avant, même si une pièce était défectueuse, ils continuaient d’œuvrer, avec une perte de sens totale au travail puisqu’ils savaient qu’à la fin le produit ne serait pas conforme. Pour changer ça, il faut du temps », décrit le directeur.

Une modulation horaire à la semaine

Reste que la PME commence à faire parler d’elle. Malgré l’implantation très rurale, l’autonomie laissée au collaborateur attire. L’entreprise est passée de 25 à 32 collaborateurs en moins de deux ans et réalise désormais 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit l’équivalent de celui réalisé avant la reprise (et malgré les 13 millions d’euros de dettes). Les produits sont livrés dans 26 pays différents. Certains anciens salariés ont même été repris. Chaque contrat de travail stipule qu’ils peuvent être affectés à d’autres missions que celles décrites dans leur fiche de poste. « Il faut utiliser les compétences pour faire marcher l’entreprise », décrit Sébastien Revel qui défend la polyvalence. « Avant, la modulation horaire était utilisée à l’année. Maintenant, nous ajustons à la semaine en fonction des commandes et des approvisionnements, en prévenant les salariés au minimum une semaine et demie avant. » Implantée à la campagne, l’entreprise est consciente que pour fidéliser les salariés, un emploi du temps souple, avec la possibilité de récupération ou d’heures supplémentaires, est un atout.

Auteur

  • Lucie Tanneau