Puisque la formation manque, créons-la nous-mêmes. Huit entreprises de l’extrémité nord-ouest de l’Alsace ont fait leur ce postulat… et sont passées à l’action. Il en résultera, en septembre prochain, la création de deux cursus par apprentissage en bac professionnel, dans les métiers de la chaudronnerie industrielle et de la maintenance des équipements industriels. Des tensions sur le marché du travail sont constatées un peu partout en France depuis plusieurs années pour ces métiers, qui recouvrent les spécialités d’usineur, de soudeur ou encore de conducteur de lignes automatisées. Or, dans ce territoire de l’Alsace bossue qui repose sur les industries de mécanique et métallurgie, le manque de main-d’œuvre pour renouveler les effectifs, voire les augmenter, est devenu si critique que les entreprises concernées ont décidé de ne plus attendre.

« Au fil de nos échanges, nous avons chiffré à une vingtaine par an nos besoins de recrutements dans chacun des deux métiers, pendant cinq ans. Le fait que cette situation ne soit pas seulement momentanée nous a incités à demander la création de formations, celles qui existent ne suffisant pas à pourvoir en nombre nécessaire ou à répondre aux évolutions de compétences », décrit Marc Clauss, président de Ziemex. Cette entreprise de chaudronnerie à Sarre-Union (Bas-Rhin) fait partie des huit sociétés qui se sont constituées en un « Cercle des entrepreneurs de l’Alsace bossue », principalement dans le but de résoudre cette problématique RH. Elles ont missionné un ancien chef d’entreprise, Jean Saling, pour nouer le dialogue avec l’Éducation nationale et concevoir le contenu de formation en adéquation avec les besoins des industriels.

Les échanges avec le rectorat de l’académie de Strasbourg ainsi qu’avec la région Grand Est ont abouti à la création des deux cursus, d’une durée de deux ans, intitulés « maintenance des équipements industriels – pilote de ligne automatisée » et « technicien en chaudronnerie industrielle ». Ils sont rattachés au CFA du lycée professionnel Jules-Verne de Saverne. L’enseignement général sera assuré au lycée Georges-Imbert de Sarre-Union, plus proche, et des intervenants extérieurs participeront aux enseignements techniques. Les deux formations proposent chacune douze places. Elles sont ouvertes aux jeunes de 16 à 30 ans : l’élargissement de l’âge des apprentis permis par la dernière réforme de l’apprentissage a recueilli l’intérêt de ces entreprises, qui ont constaté, par le passé, la motivation particulière de candidats proches de la trentaine.

Les membres du Cercle ont pris l’engagement d’embaucher en CDI à la sortie du contrat d’apprentissage les jeunes qui souhaitent entrer dans la vie active. Et pour ceux qui souhaitent poursuivre, ils travaillent à compléter le dispositif par deux BTS dans les mêmes spécialités, qui devraient ouvrir dans deux ans.

L’initiative pourrait débloquer des velléités similaires exprimées dans d’autres territoires d’Alsace. À condition de ne pas phagocyter les formations existantes, au risque de voir des cursus s’arrêter aussi rapidement qu’ils se seraient montés, une fois comblé un creux de main-d’œuvre seulement temporaire. Mais pour le rectorat, la souplesse et la réactivité sont de mise : « C’est justement une adaptation en permanence aux besoins évolutifs des entreprises qui doit régir notre relation avec elles, relève Marie-Laurence Prési, adjointe au délégué académique aux enseignements techniques (DAET). Elle implique que des sections d’apprentissage puissent se fermer au bout de quelques années… et que d’autres se créent ».