Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur émérite à HEC, président de l’AGRH
A l’heure où les espoirs, mis par beaucoup dans le modèle de l’entreprise libérée1, commencent sérieusement à être déçus tant les exemples de réussites sont souvent toujours les mêmes et cantonnés à l’univers de la PME. Pire : certaines sociétés emblématiques comme Poult sont même revenues à un modèle beaucoup plus traditionnel. Même si l’on peut penser que le modèle de l’entreprise libérée porte en lui les gênes de sa propre disparition2, faut-il pour autant rejeter certaines de ses idées fondatrices comme la confiance, l’écoute, l’autonomie, l’accountability (mal traduit par responsabilisation) ? Bien sûr que non ! Il s’agit d’une exigence de plus en plus forte des collaborateurs/trices, notamment de ceux et celles issu(e)s des générations les plus jeunes, qui veulent être écouté(e)s et reconnu(e)s.
C’est ici que les DRH peuvent jouer un rôle clé dans le développement de la capacité de l’entreprise à répondre à ces exigences en mettant en œuvre des nouveaux dispositifs d’écoute des managers et des collaborateurs/trices en se fondant sur le principe de la sagesse des foules décrit dans un livre récent3. L’auteur y démontre la nouvelle puissance du collectif lorsque doivent se prendre, par exemple, des décisions importantes comme celles des orientations stratégiques ou des choix de nouveaux produits et services. Les DRH peuvent s’appuyer sur les constats du scientifique, auteur du livre, pour imaginer des formes nouvelles d’écoute, utilisant notamment la puissance des technologies digitales, sur des sujets RH ou plus généralement ceux de l’entreprise. C’est ainsi que l’on peut imaginer la co-élaboration avec les managers d’une nouvelle politique de formation ou d’un nouveau dispositif de gestion des carrières.
Pour pouvoir utiliser intelligemment le principe de la sagesse des foules dans leurs entreprises, les DRH doivent respecter certaines règles dans la mise en œuvre des nouveaux dispositifs d’écoute :
1. Savoir poser les bonnes questions en ayant recours à la richesse des questions ouvertes sans se contenter des simples questions fermées ;
2. Savoir traiter et analyser les réponses obtenues en utilisant notamment la puissance des outils d’analyse sémantique qui, comme la solution Talk44, ont recours à des briques d’intelligence artificielle ;
3. Pouvoir répondre aux attentes exprimées dans les réponses obtenues par des actions RH concrètes, éventuellement, coconstruites ;
4. Ne pas hésiter à resolliciter les managers et les collaborateurs pour d’autres sujets importants RH pour démontrer la force de l’écoute.
C’est, en définitive, à une démarche pragmatique qu’appelle cette chronique en proposant aux DRH d’aider leurs entreprises à changer de posture vis-à-vis de leurs collaborateurs/trices en les considérant comme des potentiels d’intelligence et de créativité sans céder à l’illusion dangereuse de l’entreprise libérée.
(1) Getz I. & Carney, B. : Liberté & Cie, Clé des Champs, 2e ed, 2016.
(2) Besseyre des Horts, CH : L’entreprise libérée en question, aux DRH de se positionner, Personnel-ANDRH, n° 566, janvier 2016, p. 40-41 (également sur le site RH-Info : https://www.rhinfo.com/thematiques/strategie-rh/projet-dentreprise/lentreprise-liberee-en-question).
(3) Servan-Schreiber, E. : Super collectif, la nouvelle puissance de l’intelligence collective, Fayard, 2018.