« Madame » est un roman aux allures d’essai sur la souffrance des femmes par les femmes au travail, un sujet de moins en moins tabou. La sortie du premier ouvrage d’Alix Laine a coïncidé avec l’élection de la candidate à la primaire démocrate Amy Klobuchar au titre de « pire boss du Sénat américain ».

L’auteur dépeint une chef d’entreprise aussi charismatique que toxique. « Madame », comme ses salariées la surnomment, est une patronne qui a tout réussi. Trajectoire professionnelle éclatante, cette féministe de la première heure a décidé, la maturité venant, de s’engager pour les autres femmes. Dans sa start-up, elle engage bientôt Clara, jeune diplômée de Sciences Po-HEC. Sans trop avoir son mot à dire, la jeune femme va se voir propulser assistante-directrice générale de la start-up (comprenez qu’elle aura droit au titre de directrice générale payé au salaire d’une assistante). Dévouée corps et âme à sa nouvelle patronne, Clara ne comptera ni ses heures, ni son dévouement à la cause. Elle ne cillera pas quand les e-mails formulés sans politesse mais toujours à l’impératif tomberont en cascade nuits et week-ends. Après tout, un tel projet nécessite quelques sacrifices personnels et puis travailler avec Madame est une chance que beaucoup lui envient. Une chance ? Réellement ? Entre elle et son mentor, une lune de miel professionnelle et personnelle commence. Mais lorsque Clara tombe enceinte, le vent tourne et la descente aux enfers commence… Soufflant le chaud puis le froid, « Madame » terrorise la jeune femme qui peu à peu s’enfonce dans la dépression.

C’est une photographie très juste de ce que doivent affronter les femmes aujourd’hui. Le personnage de la patronne, féministe sur papier glacé mais plus dure en réalité avec les femmes que certains hommes, est fascinant. C’est typiquement le personnage que l’on prend plaisir à détester. On peut dire que Madame offre un véritable défouloir dans le genre. Alix Laine a confié avoir travaillé plusieurs années auprès de femmes de pouvoir. Si la majorité d’entre elles étaient « merveilleuses et aidantes », elle a aussi rencontré des Madame qui, sous des dehors solidaires, se montraient dévorantes, impitoyables avec leurs collaboratrices. L’explication est simple : elles avaient dû adopter des comportements machistes et s’étaient imposé des contraintes : grossesses sans cesse remises à plus tard, implication dans l’entreprise sans commune mesure, non-cloisonnement de la vie privée et professionnelle. Une fois au pouvoir, elles attendaient la même chose de leurs collaboratrices. Le ton est sec, sans fioriture à la hauteur de la déconfiture de la protagoniste. Un roman à lire si vous êtes du genre salarié au grand cœur prêt à tout pour son entreprise.