Vous êtes au volant d’un camion ou aux manettes d’un chariot élévateur. Votre champ de vision se trouble, la luminosité vous empêche de distinguer clairement les contours des véhicules ou des objets qui vous entourent. Vous avez bu quelques verres de trop et vous n’êtes pas véritablement en état d’exécuter des gestes professionnels qui vous confrontent, vous ou les autres, à un risque.

Dans la panoplie des outils utilisés pour la prévention, GAE Conseil propose un simulateur de vision altérée sous emprise de l’alcool, nouvel outil de prévention présenté au salon Préventica. Sur l’appli, vous indiquez votre sexe, votre poids, le nombre de verres que vous êtes censé avoir bu.

Le seuil où le voyant est au rouge varie en fonction des caractéristiques que vous avez renseignées. Mais le message de vigilance qui vous est délivré peut commencer à trois, voire deux verres. La barre fatidique de 0,5 gramme d’alcool dans le sang, au-delà de laquelle vous êtes sanctionnable au volant, est vite arrivée.

Après ces mises en garde, vous voici en situation. Les images qui défilent représentent votre vision plus ou moins altérée de cette réalité qui est la vôtre à ce moment, en fonction de votre métier. Vous pouvez bouger le curseur d’alcoolémie pour vous représenter ce que vous verriez avec jusqu’à 2 grammes dans le sang… Parviendrez-vous à éviter cette voiture qui s’engage dans le carrefour, quand le marquage au sol se perd en lignes floues qui se superposent, ou à ne pas heurter votre collège dans l’entrepôt avec votre chariot élévateur ? « L’idée m’est venue suite à une visite chez un client du BTP, dans lequel je faisais un audit sur la consommation des produits psychoactifs, explique Alexis Peschard, addictologue, cofondateur et directeur associé de GAE Conseil. Je me suis rendu compte que certains salariés consommaient des produits hallucinogènes pour vaincre leur peur du vide et des vertiges apparus quand ils effectuaient des travaux en hauteur. J’ai eu envie de me représenter concrètement ce que l’on pouvait ressentir dans cette situation professionnelle. Nous avons donc muni un salarié d’une caméra embarquée sur son casque de chantier. » La vision comme outil de prévention… l’idée fait son chemin jusqu’à la réalisation d’un test avec une entreprise partenaire, qui accepte que la société reconstitue les gestes de deux métiers, ceux de cariste ou conducteur, « les deux postes les plus à risques en termes d’accidentologie dans cette entreprise », précise Alexis Peschard.

Nominé dans la catégorie Prévention des addictions, Alco’View^(r) est destiné aux préventeurs et managers, en complément de sessions de sensibilisation aux risques et de prévention. L’alcool, source de 41 000 décès chaque année, n’a pas perdu de sa dangerosité en France, mais en milieu professionnel, le sujet reste assez tabou. « Il faut parfois qu’il y ait un ou plusieurs décès pour qu’une entreprise accepte de s’engager dans une vraie démarche, constate Alexis Peschard. Celle-ci doit être très concertée, avec les managers, les collaborateurs… et sur le long terme. L’utilisation d’un outil comme le simulateur peut intervenir dans le cadre d’une action globale et réfléchie, pas seule. »

Et le problème de l’alcool, qui a tendance à être considéré comme plus flagrants dans certains métiers ou fonctions particulièrement exposés, dans le bâtiment ou les travaux publics, concerne pourtant potentiellement tous les domaines. Proposer le simulateur à des fonctions diverses est également le projet de GAE Conseil : « Nous avons eu par exemple le cas d’un directeur des achats qui a commandé 20 000 produits au lieu de 2 000 sous l’emprise de l’alcool, ou un prestataire informatique qui a mis à mal l’assemblée générale du conseil d’administration d’une banque en occasionnant un bug perturbant les votes des membres… » Des dommages autres que physiques qui peuvent nuire à l’entreprise.