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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 20.05.2019 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Comment déléguer plus ?

Si « tout est bon dans le cochon », il semble qu’il en soit de même avec la délégation. Le fait de déléguer des tâches à ses collaborateurs débouche sur de nombreux effets positifs à la fois pour celui qui délègue, ses collaborateurs et, plus globalement, pour la performance de l’entreprise. En effet, le manager qui délègue des tâches se libère du temps ; les collaborateurs à qui ces tâches sont déléguées développent leurs compétences et se voient responsabilisés, leur manager reconnaît leur capacité de travail et leur fait confiance ; enfin, la performance globale de l’équipe, donc de l’entreprise, peut croître.

Alors pourquoi les managers ne délèguent-ils pas davantage une partie de leur activité ? C’est souvent la peur qui est mise en avant pour l’expliquer : peur de perdre une partie du contrôle de l’activité, peur que leurs collaborateurs finissent par leur faire de l’ombre, peur de ne pas être ou se sentir indispensable, peur de l’incapacité des collaborateurs à accomplir les tâches, peur de passer plus de temps à déléguer qu’à faire soi-même, etc.

Pour mieux comprendre qui délègue et quoi, Modupe Akinola, Ashley Martin et Katherine Phillips, chercheuses à Columbia pour la première et la troisième, à Stanford pour la deuxième, ont conduit cinq études dont ils viennent de présenter les conclusions dans Academy of Management Journal(1). Qu’ont-ils observé ? Que les femmes managers délèguent moins que les hommes managers. D’un côté, le fait de déléguer comprend une dimension stratégique individuelle qui est plutôt perçue comme masculine. Celui de devoir être assertif par exemple. D’un autre côté, la délégation de tâche comporte aussi une dimension plus communautaire, relationnelle, ce qui est perçu comme plutôt féminin. Alors pourquoi les femmes délèguent-elles moins que les hommes ?

Plusieurs explications ressortent des travaux de nos trois chercheurs. Les femmes ont tendance à percevoir la délégation de manière différente que les hommes : elles voient plus leur intérêt individuel à déléguer que l’intérêt qui en résulte pour le collectif. Elles ont alors une image plus négative que les hommes de la délégation de tâches. Par exemple, elles culpabilisent davantage que les hommes au moment de déléguer. En outre, il est plus difficile pour elles de déléguer des tâches car ce comportement peut être perçu comme une transgression d’un stéréotype de genre. Dans l’imaginaire collectif, ce sont plutôt les hommes qui délèguent des tâches aux femmes que l’inverse, notamment si on a le modèle traditionnel en tête du patron et de sa secrétaire.

Le fait qu’elles délèguent moins que les hommes a des effets négatifs sur leur équilibre de vie et leur carrière. Donc comment aider les femmes managers ? Modupe Akinola et ses deux collègues montrent qu’il faut souligner la dimension relationnelle de la délégation. Leur perception en devient alors plus positive.

1) Akinola, M., Martin, A. E., & Phillips, K. W. (2018). To delegate or not to delegate : Gender differences in affective associations and behavioral responses to delegation. Academy of Management Journal, 61 (4), 1467-1491.

Auteur

  • Denis Monneuse