Quand ils sont déclarés inaptes à partir au combat en raison d’une blessure physique ou psychique, les militaires sont contraints de faire le deuil de leur vocation et d’entreprendre une reconversion. Alors commence un autre parcours du combattant : celui de redevenir des civils et de retrouver un emploi. Depuis 2010, Vitale Assistance, spécialisée dans l’assistance après sinistre, puise dans ce vivier de candidats pour diversifier le profil de ses équipes. Dans sa cellule dédiée aux sinistres climatiques, la société emploie 57 anciens militaires dont certains ont été blessés au cours de leur carrière. « Durant leur parcours dans les armées, les militaires ont mis leur propre vie au service de la France. Ils se sont entraînés durement pour défendre les couleurs du pays et protéger leurs concitoyens. Leur offrir une seconde partie de carrière en entreprise est une marque de reconnaissance », justifie Virginie Le Sausse, DRH de Vitale Assistance.

Au-delà d’être un levier pour la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et de remplir son obligation d’emploi des travailleurs handicapés, recruter d’anciens militaires est également l’opportunité pour Vitale Assistance d’accéder à des savoir-être variés et à des compétences techniques pointues. Respect de la hiérarchie, sens de l’engagement, esprit d’équipe, flexibilité, gestion de crise sont des qualités qui leur sont reconnues. « Dans un environnement opérationnel exigeant, les militaires ont appris à s’adapter à différentes situations et à répondre avec réactivité aux besoins des populations. Ils disposent des valeurs humaines et professionnelles que nous recherchons », constate Frédéric Conte, responsable des événements exceptionnels chez Vitale Assistance.

Pour dénicher des candidats ayant un projet de reconversion et des compétences en adéquation avec ses besoins, Vitale Assistance s’appuie sur Défense Mobilité. L’Agence de transition professionnelle des armées l’aide à identifier des profils adaptés, lui apporte des conseils pratiques et effectue les démarches administratives liées à une embauche. Après la présélection sur CV puis les entretiens avec les managers et les RH, les nouvelles recrues sont accueillies pendant six mois en stage. Cette période d’adaptation en entreprise (PAE) est l’occasion pour elles de s’approprier leur environnement de travail, de découvrir un nouveau métier et d’acquérir les compétences requises pour l’exercer, en prévision de leur futur recrutement. Autre atout : le soldat continuant d’être rémunéré par le ministère de la Défense, l’entreprise ne verse aucun salaire. « C’est un dispositif gagnant-gagnant. Pendant cette période d’immersion, nous pouvons nous tester mutuellement avant de nous prononcer à mi-parcours sur une embauche définitive. Les managers ont le temps d’évaluer les capacités du candidat à occuper le poste visé. De son côté, le militaire blessé se réadapte au monde du travail et passe au statut de civil progressivement », raconte Virginie Le Sausse.

Pour faciliter leur intégration, Vitale Assistance a concocté un programme de formation spécifique. Après avoir emmagasiné des connaissances sur le secteur d’activité, les missions de l’entreprise et la culture maison, les recrues partent découvrir sur le terrain la réalité de leur métier au côté d’un collègue. « Les nouveaux collaborateurs doivent se sentir attendus dans l’équipe. Le premier jour, nous leur remettons une feuille de route rappelant le déroulement d’une journée type, leurs missions et les objectifs qu’ils doivent atteindre. Nous essayons de transposer dans l’entreprise ce qu’ils ont pu vivre dans leur passé militaire », explique Virginie Le Sausse.

Durant cette expérience, les anciens militaires sont accompagnés par un tuteur qui les guide dans leurs premiers pas, les aide à surmonter leurs difficultés et leur prête une oreille attentive. « La clé pour réussir l’intégration d’un ancien militaire blessé est de faire preuve de bienveillance, d’écoute et de disponibilité. Les victimes de stress post-traumatique tendent à être plus sensibles. Certaines situations vécues au travail peuvent les affecter et réveiller un événement traumatisant. Les managers doivent rester vigilants à d’éventuels changements de comportements et savoir les orienter vers les bons interlocuteurs », insiste Frédéric Conte. En parallèle, les militaires continuent d’être suivis par leur conseiller en transition professionnelle et le Service de santé des armées.

Si le médecin du travail est seul habilité à interroger le collaborateur sur sa blessure et ses conséquences, l’entreprise peut proposer des aménagements de postes de travail, par exemple en évitant de lui confier certaines missions. Sans rentrer dans les détails de leur passé militaire, Vitale Assistance sensibilise les collaborateurs à l’arrivée dans l’équipe d’un militaire blessé. Pour Frédéric Conte : « Les soldats qui quittent les rangs et leurs frères d’armes sont en quête de sens au travail et d’une équipe soudée. Si les collaborateurs ne sont pas solidaires et bienveillants entre eux, ils ne réussiront pas à s’épanouir et ne resteront pas. »

« Les militaires blessés en service ne sauraient nous laisser indifférents. Aujourd’hui, plusieurs centaines d’entre eux sont engagés dans une démarche active de reconversion professionnelle. Ils méritent notre soutien », insiste Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef.

Pourtant, souvent par méconnaissance, les recruteurs se tournent peu vers ces profils. Pour lever les inquiétudes et inciter les patrons à embaucher d’anciens soldats blessés, le comité de liaison Défense-Medef édite le guide « Recruter dans vos équipes un militaire blessé : un engagement pour l’entreprise ».

Cet ouvrage aide à mieux comprendre les blessures des militaires et donne les clés pour réussir leur intégration. Stage en immersion, période de formation gratuite en entreprise, embauche en CDI…

Il décline les dispositifs permettant d’accueillir d’ex-militaires dans le privé. Afin d’aiguiller dirigeants et RH dans les méandres du fonctionnement des armées, ce guide détaille les actions menées par les structures institutionnelles (agence de reconversion Défense Mobilité, cellules d’aide aux blessés des Armées…) chargées de faciliter la réinsertion des soldats contraints de quitter les rangs.