En matière de démonstration d’heures supplémentaires, les dispositions légales rappellent que la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties. La Cour de cassation en tire la conséquence que les juges du fond doivent forger leur conviction sur la base des pièces versées par les parties dont ils apprécient la portée souverainement. Il s’ensuit que les parties disposent d’une liberté presque totale quant au choix des pièces produites. Mais qu’en est-il lorsque les pièces versées ne suivent pas les prescriptions des normes simplifiées définies par la CNIL ?
Un salarié avait contesté avec succès la validité de sa convention de forfait en jours sur l’année. Son employeur ne disposant pas, compte tenu de la nature du forfait devenu inopposable, des horaires de travail de l’intéressé, versait aux débats ses tickets de cantine dans le but de déterminer ses temps de pause médians.
Le salarié demandait à ce que ces pièces soient écartées puisque les indications portées sur ces documents étaient contraires aux prescriptions de la CNIL. L’employeur rétorquait que les mentions non conformes des documents n’avaient pas de lien avec l’objet de la démonstration, ce qui rendait leur production licite.
La Cour d’appel a considéré que la communication par l’employeur de tickets de cantine comportant des indications détaillées permettant d’établir les habitudes alimentaires du salarié se révélait être un moyen de preuve illicite.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mars 2019, confirme cette analyse. Les Hauts magistrats approuvent l’analyse des juges du fond, estimant que les tickets versés aux débats n’étaient pas conformes à la norme simplifiée NS-042 de la CNIL du 8 janvier 2002 concernant les traitements mis en œuvre sur les lieux de travail pour la gestion des contrôles d’accès aux locaux, des horaires de travail et de la restauration. Cette norme prévoit en effet que les mentions sur les tickets de cantine doivent se limiter aux mentions « hors d’œuvres, plat, dessert, boisson ».
Autrement formulé, les juges du fond ont écarté à bon droit des moyens de preuve portant une atteinte excessive à la vie personnelle. Depuis l’entrée en application le 25 mai 2018 du Règlement général sur la protection des données (RGPD), les normes simplifiées adoptées par la CNIL n’ont plus de valeur juridique. Leur teneur a néanmoins vocation à être reprise dans les référentiels RGPD.