L’Autre Cercle, qui milite pour l’inclusion quelle que soit l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, va marquer la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, le 17 mai, par la nomination de 60 rôles modèles. Déjà, en janvier 2013, l’association avait lancé la Charte d’engagement LGBT+ auprès des entreprises.
Si les entreprises ont commencé, depuis quelques années, à se mobiliser pour l’inclusion des personnes gays, lesbiennes, bisexuelles, transgenres, nombre de collaborateurs LGBT hésitent encore à parler librement de leur week-end, de leur vie de couple ou de leurs amis au travail… Certes, 115 entreprises (ou organisations diverses) ont signé, à ce jour, la Charte d’engagement LGBT+ lancée en janvier 2013 par l’Autre Cercle, une association qui milite pour l’inclusion de ces personnes. Mais cela ne suffit pas pour les collaborateurs concernés. De fait, selon une étude menée à l’automne 2018 auprès de plus de 4 000 personnes de moins de 35 ans dans dix pays par le Boston Consulting Group pour le magazine Têtu, seule une personne LGBT sur deux (52 %) a fait son « coming out » au travail. En outre, 35 % des répondants pensent qu’être « out » au travail peut présenter un risque pour leur carrière et 46 % mentent sur leur orientation sexuelle à leur manager lors d’une discussion informelle… Autant dire que l’orientation sexuelle, quelle qu’elle soit, est encore loin d’être banalisée en entreprise… « La France, à cet égard, est en retard », a déclaré Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’État chargé du Numérique, député et actuel candidat à la candidature pour les prochaines élections municipales à Paris, lors d’une récente soirée organisée par le magazine Têtu pour le lancement de Têtu Connect, premier forum de la diversité LGBT en entreprise. C’est l’an dernier, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, qu’il a tweeté sur son homosexualité – « pour parler de l’intérieur », dit-il. Et a été surpris par la réaction sur les réseaux sociaux. Très positive. « Je pensais que tout le monde le savait et que tout le monde s’en foutait. » Il admet cependant que si, aujourd’hui, à 35 ans, il n’a plus de problème, il lui a été plus facile d’en parler lors de ses premiers pas dans le monde du travail qu’au lycée… Et s’il peut maintenant servir de rôle modèle, c’est tant mieux.
À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, le 17 mai, L’Autre Cercle publiera justement le nom de 60 rôles modèles dans des entreprises de l’Hexagone, selon trois catégories : des personnes LGBT assumées qui sont dans des postes de direction, des alliés et alliées, qui, LGBT ou non, soutiennent, à des postes de direction, le mouvement inclusif, et des LGBT dans des rôles de managers ou de leaders. Ces rôles modèles, comme leur nom l’indique, serviront de guides à ceux qui, dans l’entreprise, ont encore du mal à parler de leur orientation sexuelle, sans oublier les nouvelles générations qui vont bientôt arriver sur le marché de l’emploi. Dans sa jeunesse, « pas d’oncle, pas d’ami de la famille, pas de voisin gay », se souvient Mounir Mahjoubi. Ce monde doit définitivement appartenir au passé. Si elles ne sont pas les seules parties prenantes, les entreprises ont un rôle à jouer dans cette évolution sociétale. « Il ne suffit pas de parler à l’extérieur, avec de la communication sur la Charte d’engagement par exemple, il faut également montrer aux LGBT à l’intérieur des organisations qu’ils ou elles sont les bienvenu.e.s », précise Jaleh Bradea, directrice projets Inclusion et égalité des chances chez Vivendi. Pour le bien de tous et de l’organisation elle-même.
Elle rappelle ainsi les études du cabinet McKinsey mettant en évidence le lien entre diversité (en général) et performance. Les organisations inclusives bénéficieraient ainsi d’une performance de 30 % supérieure à celle des entreprises frileuses dans ce domaine. Et pour cause, pour les personnes LGBT, faire toujours attention, ne rien laisser filtrer sur la vie personnelle, ou pire, mentir, consomme énormément d’énergie – qui n’est pas utilisée à travailler. En somme, « plus on se conforme, moins on performe », conclut Jaleh Bradea.
Même si certaines entreprises mettent désormais en place des formations, à base de jeux de rôles notamment, pour venir à bout des biais inconscients chez les managers ou les salariés en général, offrent des systèmes d’alerte que les personnes discriminées peuvent utiliser, ou sanctionnent de façon claire et publique (souvent en préservant l’anonymat des responsables) les propos et les attitudes homophobes, le monde du travail accueille encore avec difficulté les LGBT. Les études de l’OCDE, sur tous les pays de l’Organisation, montrent que ces personnes trouvent moins facilement un emploi (7 % moins de chance) et qu’elles ont moins de possibilités (11 %) d’atteindre un poste dans le top management et, enfin, qu’elles gagnent 4 % de moins que les hétérosexuels. « Si l’on fait du testing, en envoyant des CV identiques mais qui incluent une information sur le fait que les candidats sont engagés dans une association LGBT plutôt que dans une association qui lutte pour l’environnement, par exemple, les premiers ont 50 % moins de chance d’être appelés pour un entretien que les seconds », rappelle Marie-Anne Valfort, économiste et cheffe du projet sur l’inclusivité LGBT à la division de politique sociale de l’OCDE. Elle note par ailleurs qu’à un changement de loi correspond souvent un changement de norme sociale. Ainsi, en France, l’extension du mariage pour les homosexuels et lesbiennes, en 2013, a donné lieu à une plus grande acceptation de ces personnes, comme le montrent les études d’opinion.
Des lois… ou des initiatives comme celles que prennent les entreprises. « Lorsque nous avons signé la Charte, relate ainsi Antoine Sire, directeur de l’Engagement d’entreprise pour BNP Paribas, en 2015, nous avons reçu plus de 10 000 e-mails critiques de la part de nos clients. Mais nous avons tenu bon. C’est une question de principe. Et in fine, nous n’avons sans doute perdu que trois ou quatre clients… » Depuis, la banque poursuit sur sa lancée : elle a sponsorisé les gay games l’an dernier, et épaule aujourd’hui l’Autre Cercle dans son initiative sur les rôles modèles. « Ainsi, en tant qu’hétéro, j’ai été très fier de défiler pour les gay games », s’exclame-t-il. Un message envoyé à toutes les parties prenantes, à l’intérieur de l’organisation comme à l’extérieur.