Martin Richer Management & RSE management-rse.com/ Martin Richer a créé le cabinet de conseil Management & RSE pour aider les entreprises à intégrer une approche proactive de la RSE, avec « plus de RSE dans leur business et plus de business dans leur RSE ».
Les directions des ressources humaines se sont rapidement approprié les ordonnances Travail du 22 septembre 2017. Mais ces dernières ne visent qu’à mieux gérer les événements contraints (licenciements, restructurations…). À l’inverse, la loi Pacte votée le 11 avril dernier leur offre une vraie perspective : faire autre chose, trouver des leviers de refondation de la fonction RH. Espérons qu’elles s’en saisiront avec appétit.
Le potentiel humain se place désormais au même niveau que le capital financier. Avant la loi Pacte, le Code civil (scellé par Napoléon en 1804) ne voyait l’entreprise que comme une entité juridique devant être gérée dans l’intérêt des associés. Désormais, elle doit « prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Autrement dit, le DRH a désormais les moyens de dépasser la séculaire asymétrie avec le DAF ; sa voix doit peser le même poids dans les décisions du Comex.
En fait, performance sociale et performance financière ne s’opposent pas. C’est la notion de performance globale, créée par le Centre des jeunes dirigeants en 2002, qui s’impose désormais, chaque entreprise devant s’inscrire dans ce que les Anglo-Saxons appellent la « triple bottom-line » (financière, sociétale et écologique). L’un des papes américains de la RSE, George Serafeim (professeur à Harvard) a récemment remis à jour son étude sur le lien entre raison d’être et performance financière (« Corporate Purpose and Financial Performance », October 2018). Elle montre sur la base de 500 000 réponses recueillies par l’Institut Great Place to Work auprès des collaborateurs de plus de 400 entreprises américaines, que celles qui ont une raison d’être exigeante et sont capables de proposer à leurs salariés un chemin clair pour la mettre en œuvre « présentent systématiquement une performance financière plus élevée, qu’elle soit mesurée par les indicateurs comptables ou par les cours de Bourse ». Le P du « Purpose » organise l’alignement des trois P de la Performance : People, Planet, Profit.
La loi Pacte encourage les entreprises à définir leur raison d’être, la boussole qui guide leur stratégie sur le long terme, donne du sens et de l’utilité à ses activités, ce qui fait l’essence de l’entreprise et de son projet. C’est une formidable opportunité pour le DRH de porter un projet participatif pour associer le corps social à la réflexion sur ce que pourrait être le futur désirable et donner envie à chacun d’y prendre sa place. L’étude de George Serafeim citée plus haut montre d’ailleurs que c’est la force de l’adhésion des salariés et du management intermédiaire (et non celle des dirigeants) au « Purpose » défini par l’entreprise qui détermine sa performance. La raison d’être est en effet une réponse pertinente aux deux défis qui mobilisent nos DRH : donner du sens au travail dans notre entreprise mais aussi à l’entreprise dans la société.
Autre signe concret en direction des salariés : le renforcement des dispositifs d’épargne salariale, d’intéressement et de participation permet à la DRH de changer la donne dans le sens d’un partage de la valeur plus équitable et d’une réduction des inégalités entre grandes et petites entreprises.
Enfin, la raison d’être offre à la DRH un levier pour accélérer la recomposition de la culture managériale, qui organise une transition entre un management axé sur l’obéissance et la discipline et un leadership basé sur la conviction et l’adhésion. Un manager est une autorité au service de l’ordre ; un leader est une inspiration au service d’une raison d’être. Le manager cherche trop souvent à avoir raison tout seul ; le leader cherche à construire et partager une raison d’être ensemble.
Pour aller plus loin : http://management-rse.com/2019/04/16/loi-pacte-le-couronnement-de-la-rse/