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Le fait de la semaine

RSE : Notre-Dame de Paris réveille le mécénat de compétences

Le fait de la semaine | publié le : 29.04.2019 | Lys Zohin

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RSE : Notre-Dame de Paris réveille le mécénat de compétences

Crédit photo Lys Zohin

De Bouygues à EDF, plusieurs entreprises spécialistes des métiers requis pour la restauration de la cathédrale ont décidé d’y faire participer leurs collaborateurs.

Pro Bono Publico : Pour le bien public… C’est bien parce que Notre-Dame de Paris est, dans le cœur de tous les Français, un bien commun que des entreprises ont décidé de s’engager et d’engager leurs collaborateurs dans un mécénat de compétences pour restaurer la cathédrale. Autrement dit, de se mettre au service d’une cause, pour le plus grand nombre. De fait, les sommes faramineuses que certaines multinationales ou capitaines d’industrie ont annoncé dégager pour la restauration de l’édifice quelques heures seulement après le début de l’incendie, n’est pas la seule carte que peuvent jouer les entreprises. « Leur principal capital, c’est le capital humain, leur principale ressource, ce sont leurs collaborateurs, pointe ainsi Sylvain Reymond, directeur général de Pro Bono Lab, une organisation spécialiste de l’engagement par le partage de compétences active dans 30 pays. Les salariés ont, comme l’opinion publique dans son ensemble, été émus, il est donc important qu’ils puissent participer. »

« Dans les heures qui ont suivi l’incendie, nous avons reçu énormément de courriels de la part de nos collaborateurs, dans tous les métiers, toutes les filiales, sur toute la France, demandant ce qu’EDF allait faire et comment ils pourraient participer », relate Alexandre Perra, porte-parole du groupe EDF. Cette réaction n’est pas due qu’à l’immense émotion, « elle correspond à la culture de l’entreprise », relève-t-il. Déjà, pour les grandes tempêtes de 1999 comme pour l’ouragan Irma, qui a durement frappé les îles caribéennes de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, EDF a été à la manœuvre pour remplir pleinement sa fonction au service du public. L’entreprise, qui gère 400 barrages et 58 réacteurs nucléaires en France depuis des années, a eu le temps de peaufiner son savoir-faire, en particulier dans l’hydraulique. En conséquence, elle pourra, le moment venu, se mettre au service du grand chantier de Notre-Dame, en plaçant par exemple des capteurs pour s’assurer que les structures tiennent, comme elle le fait précisément sur des barrages hydrauliques. Ou envoyer, si cela s’avère nécessaire, des robots à l’intérieur de la cathédrale, comme elle peut le faire dans une centrale nucléaire, pour éviter que des humains soient mis en danger, ou faire voler les drones au-dessus du toit pour ausculter le bâtiment et ensuite modéliser en 3D les travaux indispensables. Elle pourra aussi, comme elle l’a fait sur un terrain totalement dévasté à Saint-Barth et Saint-Martin, électrifier le chantier de Notre-Dame, dans un environnement dégradé. « Et le vivier de collaborateurs spécialisés est là, en France, prêt à être utile », conclut Alexandre Perra. Reste désormais à faire en sorte que tout se mette en place autour de ce projet commun.

Fédérer les bonnes volontés

« Notre enjeu est de fédérer les entreprises qui veulent mettre à disposition du public leurs compétences », indique Sylvain Reymond. De fait, dès le 16 avril, Bouygues s’est également mis à la disposition des autorités pour des travaux de reconstruction pro bono. Le groupe n’en est pas à sa première expérience en matière de mécénat de compétences.

« Nous avons participé de cette façon à la rénovation, entre 2007 et 2009, de l’Hôtel de la Marine », précise ainsi Pierre Auberger, directeur de la communication du groupe Bouygues. Remise en état du péristyle, des salons, des corridors, avec stucs et peintures : un gros chantier, représentant un montant de 7,2 millions d’euros en mécénat de compétences pour Bouygues. Et qui permet, comme pour les appels d’offres auxquels participe le groupe – création du musée d’Orsay dans les années 1980, ou plus récemment, remise en état de l’aile Richelieu du musée du Louvre –, de « maintenir en France des savoir-faire prestigieux, dans un grand nombre de professions, en peinture, dorure, et autres. Des professions qui ne comptent qu’un petit nombre de professionnels », souligne Pierre Auberger. S’il est trop tôt pour savoir exactement ce que fera, in fine, le groupe Bouygues, puisqu’il inscrira son action après le diagnostic, puis un concours d’architectes, « ce qui est clair, c’est que ce que nous privilégions, c’est l’intérêt général », précise le directeur de la communication, pour ajouter que le groupe est aussi porté par l’élan des collaborateurs.

Comme chez EDF, « nous avons constaté une grande attente de leur part », déclare Pierre Auberger. Une attente, qui, comblée, débouche sur une grande fierté de participer, par le mécénat de compétences, à un tel chantier, ou simplement de travailler tous les jours dans un groupe qui répond présent lorsqu’il le faut. D’autres grandes sociétés, comme Vinci – qui a indiqué dans un communiqué que « l’opération, menée par une profession tout entière, pourrait s’organiser sous l’égide de la Fondation du patrimoine et permettrait d’engager sa reconstruction dans les plus brefs délais » – ont elles aussi émis l’idée de pratiquer le mécénat de compétences pour les réparations nécessaires à la sauvegarde de Notre-Dame de Paris.

Compétences traditionnelles dans les métiers du bâtiment ou techniques plus nouvelles, dans le numérique, la 3D ou les drones, « il s’agit d’inventer un nouveau modèle, visant à confronter deux types de compétences », relève à cet égard Sylvain Reymond, du Pro Bono Lab.

Bien malgré elle, Notre-Dame pourrait ainsi offrir un laboratoire inédit pour faire dialoguer l’ancien et le moderne, les techniques ancestrales et la technologie de pointe.

Les Compagnons prêts à rebâtir

Bâtisseurs des cathédrales depuis le Moyen-Age, les Compagnons du Tour de France, ces artisans spécialisés dans le travail du bois ou de la pierre, à la tradition – et la fierté, chevillées au corps, ont, comme certaines grandes entreprises, naturellement répondu présents pour la reconstruction de Notre-Dame, aux côtés de l’Union compagnonnique et de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France. Pour certains de ces artisans, dont la devise, pour les Compagnons, est : « Servir sans s’asservir ni se servir », tout travail à la restauration de ce bien commun pourrait être l’aboutissement d’un apprentissage exigeant et même d’un Tour de France qui, de région en région et de maître en maître, les font s’approcher de la perfection.

Auteur

  • Lys Zohin