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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 29.04.2019 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Hommes et femmes mentent-ils pareil ?

Est-il nécessairement mal de mentir ? Cette question constitue une controverse philosophique qui agita Emmanuel Kant d’un côté et Benjamin Constant de l’autre. Pour le philosophe allemand, auteur de l’impératif catégorique « Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse toujours valoir en même temps comme principe d’une législation universelle », il n’y a jamais lieu de laisser la moindre place au mensonge.

En revanche, pour le romancier français, il peut exister des mensonges acceptables, par exemple si des assassins poursuivent un de nos amis et nous demandent s’il ne se cache pas dans notre maison.

Est-il nécessairement mal de mentir dans la sphère professionnelle ? Je laisserai le soin à chaque lecteur de se faire sa propre opinion sur ce sujet. D’ailleurs, il faudrait distinguer au moins deux types de mensonges : ceux qui sont commis pour son propre intérêt et ceux qui sont commis pour défendre l’intérêt des autres.

Maryam Kouchaki et Laura Kray, chercheuses à l’université de Northwestern pour la première et à l’université de Berkeley pour la seconde, se sont penchées sur ces deux types de comportement moralement questionnable en se demandant s’ils étaient utilisés pareillement par les femmes et les hommes. Pour cela, elles ont mené une série de cinq études avec plus de 1 300 participants au total. Elles viennent de publier leurs résultats dans la revue Organizational Behavior and Human Decision Processes(1).

Les deux chercheuses mettaient les participants en situation de négocier, soit pour eux-mêmes, soit pour le compte d’autrui. Elles observaient ensuite la tendance des participants à mentir. Qu’ont-elles observé ? Que les hommes et les femmes ne mentent pas pour les mêmes causes ni avec la même ampleur. Les hommes ont tendance à plus mentir que les femmes pour défendre leur propre intérêt, alors que les femmes ont plus tendance à mentir que les hommes quand il s’agit de défendre l’intérêt d’autrui.

Autrement dit, les choix éthiques des hommes et des femmes diffèrent. Les femmes sont plus sensibles à la cause qui est en jeu, si bien que leur tendance au mensonge varie suivant qu’elles négocient pour elles-mêmes ou pour autrui.

Elles sont plus enclines à mentir quand elles défendent les intérêts d’autrui en raison du sentiment de culpabilité et d’inquiétude qu’elles anticipent au cas où elles n’auraient pas bien réussi à défendre la cause de ceux qu’elles représentent. La pression qu’elles ressentent ou qu’elles se mettent à elles-mêmes tend à les pousser à aller contre leurs propres considérations éthiques.

Les hommes, quant à eux, connaissent moins de variations dans leurs mensonges : leur niveau de mensonge est constant, qu’ils négocient pour eux-mêmes ou bien pour autrui. Ils sont moins nombreux à anticiper de la culpabilité ou de l’inquiétude s’ils ne réussissent pas à bien négocier pour autrui.

Bref, responsables et managers devraient plus se méfier des déléguées syndicales qui négocient une augmentation de salaire au nom des salariés que des femmes qui négocient leur propre rémunération. Et ils devraient se méfier des hommes dans les deux cas !

1) M. Kouchaki et L. J. Kray (2018), « I won’t let you down : Personal ethical lapses arising from women’s advocating for others » Organizational Behavior and Human Decision Processes, 147, 147-157.

Auteur

  • Denis Monneuse