logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Sur le terrain

Santé au travail : Le Smictom en guerre contre les lombalgies

Sur le terrain | publié le : 22.04.2019 | Mathieu Noyer

La structure chargée de la collecte et du traitement des déchets en Alsace centrale a modifié son organisation, ses équipements… et ses habitudes pour diminuer les risques de pathologies du dos de ses agents.

Quand on évoque les lombalgies, le secteur des déchets n’apparaît pas comme le plus concerné. Pourtant, il est l’un des plus exposés. En Alsace, la Carsat a décidé d’en faire une priorité. Le territoire situé autour de Sélestat (Bas-Rhin) s’est porté volontaire pour décliner le Plan d’actions régional pour les déchets qu’elle a initiée à partir de 2014, via son syndicat mixte de collecte et traitement, le Smictom d’Alsace centrale, qui emploie 150 agents. Le bilan dressé début avril conclut à une « amélioration globale, avec des éléments potentiels de progrès encore, en particulier à cause de la persistance d’habitudes anciennes de gestes », soulignent Jean-Luc Mochel, ingénieur-conseil à la Carsat, et Grégory Gilgenmann, responsable hygiène-sécurité du Smictom.

La structure publique n’a pas réinventé la poudre : les mesures prises relèvent du bon sens, d’ajustements et parfois de procédures plus longues. Elle a aussi pu s’appuyer sur une recommandation paritaire de l’Assurance maladie sur les modes de collecte dans la rue (le porte-à-porte), d’un Livre blanc de bonnes pratiques de la Cnam, de brochures de l’INRS, ainsi que d’une norme Afnor sur la conception des cabines de tri des déchets.

Pour le ramassage des déchets dans les communes, le Smictom a décidé de mettre fin à la pratique controversée du « fini-quitté » ou « fini-parti » qui consiste à s’en aller une fois la mission du jour accomplie. « La dimension santé-sécurité a pesé un poids important dans ce choix », souligne Grégory Gilgenmann. La pratique, en effet, incite à travailler plus vite. L’instauration d’un horaire fixe de 4 h 30 à 10 h 45 a incité à ralentir les cadences. Le changement a été organisé de façon à respecter la législation sur le temps de travail. Toujours en matière de collecte, l’informatisation du planning et le retour de données qui en découle « permet de rééquilibrer les charges de travail entre les 16 équipes de tournées », précise le responsable du Smictom.

Ergonomie et économie de gestes

Une fois collectés, les déchets sont triés sur un site, à Scherwiller. Ce centre a bénéficié d’une modernisation de 4 millions d’euros en 2017, dans laquelle la mise à niveau technique s’est accompagnée de mesures sur les conditions de travail. Le syndicat mixte les a définies avec un ergonome du Centre départemental de gestion de la fonction publique du Bas-Rhin. L’identification avec cet expert des facteurs concrets de troubles musculo-squelettiques (TMS) a débouché, par exemple, sur une réduction de largeur du tapis de tri évitant ainsi de se pencher pour chercher le bout de papier ou la bouteille plastique qui s’échappe, l’aménagement de postes de travail réglables en hauteur, la suppression de conteneurs situés derrière l’agent générateurs de fortes rotations du tronc. En outre, le nombre de gestes diminue – le trieur n’enlève plus que ce qui n’est pas désiré – une rotation aux postes a été instaurée et chaque personne a la possibilité, pour souffler, d’arrêter temporairement la progression du tapis de tri sans bloquer toute la chaîne.

L’évolution qui a le plus interpellé se situe dans les déchèteries. Désormais, les agents ont l’interdiction, sauf situation particulière, d’aider les particuliers à déposer leurs lourds meubles et autres déchets encombrants. « Arithmétiquement, si on rapporte les volumes annuels au nombre de personnes, chacun manipulait 11 tonnes par jour », relève Grégory Gilgenmann. Les usagers ont eu du mal à l’accepter. Mais le changement entre désormais dans les mœurs.

Un coût de 10 millions d’euros par an

Selon l’Assurance maladie, le mal de dos a représenté en 2017 un total de 166 500 lombalgies reconnues comme liées au travail, le plus souvent dans le cadre d’un accident. Il a fait perdre 12,2 millions d’heures de travail cette année-là. Le secteur des déchets concentre un cinquième des accidents, ce qui lui coûte 10 millions d’euros en cotisations. Il se place ainsi en 4e position des maux de dos en France, derrière l’aide et soins aux personnes (31 %), le transport-logistique et le commerce, mais devant le BTP. Les lombalgies représentent 22 % de ses accidents, juste derrière les membres inférieurs (28 %) et supérieurs (27 %).

Auteur

  • Mathieu Noyer