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Formation : Opco : et maintenant, au boulot !

Le point sur | publié le : 15.04.2019 | Benjamin d’Alguerre

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Formation : Opco : et maintenant, au boulot !

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Depuis le 1er avril dernier, les 20 Opca ont disparu pour céder la place à 11 Opco. Ceux-ci vont devoir rapidement se mettre en ordre de marche pour assurer les nouvelles missions nées de la loi « Avenir professionnel ». Le temps de la transition nourrit la peur d’une « année blanche » pour la formation.

Sur le papier, tout est calé. Les 11 Opérateurs de compétences (Opco) ayant reçu leur agrément le 29 mars dernier sont sur le pied de guerre depuis le 1er avril. Satisfecit au ministère du Travail : « Ça a été dur, mais on y est ! Les 11 Opco créés sont cohérents avec les recommandations du rapport Marx-Bagorski et tous sont pertinents en termes de filières. Maintenant s’ouvre la phase de montée en puissance opérationnelle ! », se félicite-t-on dans l’équipe de Muriel Pénicaud, rue de Grenelle. À compter d’avril 2019, les Opérateurs de compétences sont donc censés être en mesure de remplir les nouvelles missions que leur confie la loi « Avenir professionnel » : assurer le financement de l’alternance selon les modalités des « coûts-contrat » fixés par France Compétences, assister les branches dans leurs politiques de GPEC et de certification, gérer le plan de développement des compétences des PME de moins de 50 salariés, promouvoir la formation auprès de leurs adhérents et assurer un service de proximité au bénéfice des TPE et PME. Y sont-ils prêts ?

Un état des lieux disparate

« Il y aura un peu de retard à l’allumage et sans doute quelques mois de flou », toussote Philippe Degonzague, président (Syntec) d’Atlas, l’Opco de la finance et du conseil. Pas étonnant. Dans la course à la constitution des Opco, tous les compétiteurs ne partaient pas à égalité. « Dans certains cas, l’Opérateur de compétences recommandé par le rapport Marx-Bagorski recouvrait peu ou prou le périmètre d’un Opca existant. Pour ceux-là, les négociations ont pu être bouclées rapidement. Ailleurs, des rapprochements entre branches et Opca ont pu être facilités par des problématiques communes en matière de formation, d’alternance et de public visé », résume un proche de la ministre du Travail. Pour d’autres, enfin, le ministère s’est retrouvé obligé de frapper du poing sur la table pour faire respecter le timing et le cadre de la réforme, voire à procéder à des mariages forcés sur fond de querelles de pouvoir et d’influence entre organisations patronales ou – plus rarement – syndicales. À ce jeu, les Opco des entreprises de proximité (Opco EP), et des services et salariés à forte intensité de main-d’œuvre (Opco ESSFIMO) ont été les plus mauvais élèves.

Résultat : au 1er avril, l’état des lieux des Opco est disparate. Certains ont, de longue date, procédé à l’élection de leurs conseils d’administration et bureaux, désigné les dirigeants préfigurateurs et signé les délégations de gestion autorisant les ex-Opca à assurer la transition jusqu’au 31 décembre 2019. D’autres sont encore dans le flou. L’Opco EP n’est toujours pas parvenu à choisir qui de l’ancien directeur d’Agefos PME ou de celui d’Actalians (ses entités constitutives) ferait office de préfigurateur. À moins que l’hypothèse, autrefois avancée, d’une préfiguration bi voire tricéphale ne refasse surface. L’Opco ESSFIMO a choisi, lui, de confier cette tâche à un quintet composé des dirigeants des ex-Opca regroupés en son sein. « C’était le meilleur moyen pour éviter les querelles politiques et afficher l’unité de la nouvelle structure », explique un membre du CA de l’opérateur. Chez Atlas ou Opco2i, ce sont des directeurs en partance qui assureront une transition en douceur jusqu’à la désignation d’un successeur en titre. À Ocapiat, le départ de Bruno Lucas (ex-Opcalim) pour la DGEFP a permis d’éviter une guerre des chefs. Au sein de l’Opco Mobilité, ce fut moins tendre… « Le choix du préfigurateur n’est pas anodin : c’est lui (ou elle) qui pilotera la transition et déterminera la stratégie future de l’opérateur. Parfois, cela nécessite d’écarter certains profils au bénéfice d’autres plus conformes à cette mission », note un observateur.

Stagnation des dossiers

Sauf que pendant le temps de la transition, les dossiers n’avancent pas. Ou peu. Et la situation du financement de la formation s’en ressent. Au sein de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), certains tirent la sonnette d’alarme. « Sur le CPF, c’est un carnage depuis le début 2019 ! », s’inquiète Arnaud Portanelli, patron de l’organisme de formation en langues Lingueo. Les Opco perdront à terme cette compétence au 15 novembre prochain au profit de l’application mobile qui sera gérée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Sauf que faute de compatibilité entre les systèmes d’information des Opco et ceux de la Caisse, les dossiers stagnent. Ou sont sous-financés, la plupart des Opco se contentant de prendre en charge les dossiers qui leur parviennent sur la seule base du tarif horaire du CPF (15 euros de l’heure) sans prendre en considération l’état d’alimentation des comptes. Conséquence : les organismes de formation (of) qui reposent sur ce mode de financement sont dans le rouge. « J’ai perdu 90 % de mon chiffre ! », avoue Arnaud Portanelli. Il n’est pas le seul : selon un comptage interne de la FFP, 75 % de ses adhérents accusent de fortes pertes de chiffre d’affaires en ce début d’année. « C’était malheureusement prévisible », regrette Éric Chevée, co-vice-président de l’Opco EP pour la CPME (CPME et U2P se partagent le siège patronal), « 70 % des CPF sont mobilisés dans le cadre de coconstruction entre le salarié et l’employeur. Le laisser à la main des seuls salariés était l’une de nos réserves sur la réforme ». Mezza voce, un syndicaliste avertit : « Les OF sans trésorerie disponible risquent de disparaître. Mais c’est aussi l’un des objectifs de la réforme : faire un peu de tri dans l’offre de formation… ». Ambiance.

Échéance 2020

2019 risque-t-elle d’être une « année blanche » pour la formation où les financements ne suivront pas les besoins ? Certains Opérateurs avaient pensé à provisionner leurs comptes pour être au rendez-vous de 2019. C’est plutôt l’échéance 2020 qui est redoutée en cas d’insuffisance des dotations de France Compétences, puisque les ressources à venir ne seront plus appuyées sur une collecte auprès des entreprises. L’alternance constitue un autre gros dossier à l’agenda. Notamment pour les Opco EP et ESSFIMO qui, à eux deux, pèsent 65 % des contrats. « Si on se plante là-dessus, la réforme risque de mettre trois ou quatre ans à s’installer au lieu des quelques mois prévus », annonce Éric Chevée. Et là où l’alternance existait peu, les Opco sont attendus pour créer une offre, comme l’explique Nicole Bouwyn, DRH d’Unicancer et négociatrice pour l’Opco Santé : « Nos secteurs couvrent essentiellement des professions réglementées, peu accessibles actuellement par l’apprentissage, mais des constructions de diplôme par ce biais, comme ceux d’aides-soignants, pourraient être étudiés ». D’autres problématiques devront trouver une solution : l’implantation locale qu’exige la loi « Avenir professionnel » et sur laquelle certains Opco sont franchement en retard. Mais aussi la négociation auprès des branches et des entreprises pour établir de nouveaux versements conventionnels ou volontaires qui, dans certains Opca, constituaient une ressource supplémentaire non négligeable… Bref, du pain sur la planche pour ces nouveaux acteurs du « big bang » de la formation.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre