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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 15.04.2019 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Comment anticiper des effets inattendus ?

La notion d’effet pervers a été développée en sociologie par Jean-Daniel Reynaud dans son livre Les règles du jeu. L’action collective et la régulation sociale (Armand Colin, 1989). Ce sociologue montre comment certaines décisions individuelles et indépendantes peuvent conduire à des effets pervers à l’échelle collective.

Par exemple, la décision individuelle de prendre sa voiture le week-end pour aller se promener à Fontainebleau peut déboucher sur des embouteillages si ce comportement est largement partagé. Les individus peuvent alors essayer d’anticiper les comportements collectifs avant de prendre une décision : certains décideront donc de ne pas aller se promener à Fontainebleau par crainte de ne point être les seuls à avoir cette (bonne) idée.

Les décisions collectives peuvent aussi engendrer des effets pervers, si bien qu’elles auront une incidence sur les comportements individuels. Par exemple, des entreprises mettent en place des réseaux de femmes en interne pour les aider à réseauter. Mais ces réseaux féminins peuvent être moqués : certains imaginent qu’ils servent de réunions de couture ou de cuisine. Par conséquent, les femmes qui y participent peuvent être mal vues, si bien que certaines d’entre elles arrêtent d’en faire partie.

Au-delà des effets pervers, ce sont les effets inattendus de chaque politique d’entreprise qu’il faut prendre en compte. C’est ce que propose Lisa Leslie, chercheuse à l’université de New York, dans un article publié récemment dans Academy of Management Review(1) en prenant l’exemple des politiques en faveur de la diversité.

Elle voit quatre types possibles d’effets inattendus. Premièrement, des mesures visant à accroître la diversité des effectifs peuvent avoir l’effet inverse de celui attendu : la diversité régresse.

Deuxièmement, ces mesures peuvent avoir un effet de contagion négatif si des conséquences indésirables sont observés dans d’autres domaines : les mesures ont alors provoqué des dégâts collatéraux. C’est le cas par exemple si certains salariés ont l’impression qu’une forme de discrimination positive est mise en place et qu’ils décident alors de démissionner pour partir chez les concurrents où leurs perspectives d’évolution semblent plus fortes.

Troisièmement, une politique peut déboucher sur un effet de contagion positif : un plan d’action visant à accroître la diversité peut aussi augmenter le sentiment de fierté des salariés à l’égard de leur entreprise, par exemple.

Enfin, le dernier effet inattendu est le faux progrès. C’est le cas si la diversité augmente dans les chiffres mais pas dans les comportements : objectivement, la diversité a crû car les salariés sont d’origines plus diverses, mais cette diversité n’a aucun impact sur la créativité et la performance.

Cette grille de lecture est d’autant plus utile qu’elle peut s’appliquer à bien d’autres domaines que les politiques en faveur de la diversité. Avoir cette grille de lecture en tête pourrait permettre, avant la mise en place d’une politique d’entreprise ou d’un plan d’action, d’essayer d’anticiper les… effets inattendus qui pourraient se produire !

1) Leslie, L. M. « Diversity Initiative Effectiveness : A Typological Theory of Unintended Consequences ». Academy of Management Review.

Auteur

  • Denis Monneuse