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Organisation du travail : Dans les coulisses de l’entreprise libérée

Le point sur | publié le : 08.04.2019 | Lys Zohin

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Organisation du travail : Dans les coulisses de l’entreprise libérée

Crédit photo Lys Zohin

Théorisée dès les années 80, la notion d’entreprise libérée a fait des adeptes à mesure que les organisations ont cherché des réponses à leur quête de performance. Pas étonnant qu’elle soit remise au goût du jour actuellement. Mais si elle a des supporters inconditionnels, beaucoup d’entreprises s’en méfient.

Avoir le moins de « coûts » possibles en termes de procédures et de hiérarchie : telle était, en 1983, la théorie centrale du livre, devenu best-seller mondial, coécrit par Tom Peters, un ancien consultant de McKinsey, et Robert Waterman, spécialiste de management, et traduit en français sous le titre Le Prix de l’excellence. Alors qu’on met plutôt l’accent sur l’humain et l’expérience collaborateur que sur l’organisation, le concept a refait surface dans les entreprises qui doivent faire face à la mondialisation, à l’ubérisation et aux exigences des Millennials. En 2009, en France, elle est réapparue sous le terme d’entreprise libérée, popularisé notamment par Isaac Getz, professeur à l’ESCP Europe et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, dont Liberté et Cie. Ou plus récemment encore avec l’holacracie (lire Entreprise & Carrières n° 1420 du 18 février 2019) qui serait l’antichambre de l’entreprise libérée.

Structure plate

Dans le classement des « meilleures entreprises » établi pour les besoins de leur ouvrage de référence sur l’entreprise libérée, Tom Peters et Robert Waterman ont recensé huit caractéristiques spécifiques, parmi lesquelles l’existence d’une structure simple et légère, la priorité à l’autonomie et à l’esprit novateur, et enfin la volonté d’allier souplesse et rigueur. De même, la théorie de l’entreprise libérée repose sur la confiance envers les salariés, concept lui aussi très en vogue actuellement, ne serait-ce qu’en raison du télétravail.

Concrètement, l’organisation laisse les salariés prendre des initiatives – ce sont même eux, et non pas des « chefs » – qui définissent les priorités dans le travail quotidien. Une structure plate, donc, aux antipodes de la sacro-sainte hiérarchie, et qui permettrait aux collaborateurs d’exprimer pleinement leurs compétences, mais aussi leur esprit d’initiative et leur goût pour l’innovation, sans oublier, bien sûr, leur (auto) discipline… Autant de caractéristiques de nature à séduire les jeunes générations, que l’on dit rétives à l’autorité et adeptes du travail en groupe et de la prise d’initiatives.

Mise en pratique

Mais au quotidien, que ce soit pour l’organisation d’entités qui assument diverses responsabilités ou pour la prise de parole en réunion, des règles régissent l’espace de liberté des collaborateurs (respect, bienveillance, temps de parole limité…).

De façon totale ou partielle, aboutie ou sous forme expérimentale, la théorie de l’entreprise libérée a été mise en pratique chez HCL, en Inde, sous la houlette de Vineet Nayar, Harley-Davidson, aux États-Unis, sans oublier la très médiatisée biscuiterie Poult, en France. Certaines en sont revenues, notamment Poult, à l’occasion de son rapprochement, en 2016, avec Banketgroep (Pays-Bas). D’autres n’ont que partiellement mis en place ce système, pour le tester. C’est le cas de Décathlon, de Michelin et de la MAIF, de même que des caisses de Sécurité sociale, en France, et le ministère belge de la Sécurité sociale et celui des Transports.

L’entreprise libérée est-elle le stade ultime de l’efficacité ? Mieux, celui du bonheur en entreprise ? Certains l’assurent, d’autres en doutent, avançant, entre autres critiques, le fait que les lourdeurs hiérarchiques auraient été tout simplement échangées contre des pressions, toutes aussi fortes pour les collaborateurs, de la part de leurs pairs…

Poult, une histoire mouvementée

Que s’est-il passé ? Il y a quelques années encore, la littérature abondante sur la biscuiterie Poult, à Toulouse, racontait l’expérience d’entreprise libérée que la société avait lancée en 2006, sous la houlette du patron d’alors. Mais depuis deux ou trois ans, plus rien… « La situation a changé et l’ambiance n’est plus à la transparence », remarque un entrepreneur de la région, qui connaît bien l’histoire de la biscuiterie. Contactés, les syndicats n’ont pas donné suite. Quant à la direction de la communication, elle aussi approchée par e-mail, elle est également restée muette. En effet, la situation a sans doute changé, au fur et à mesure des évolutions au sein de l’actionnariat et de la direction. Et de l’expérience d’entreprise libérée – dont le périmètre avait, selon certains, été gonflé dans les médias au-delà de la réalité du terrain –, il ne resterait plus rien… Rebaptisé Biscuit International à la suite d’une fusion entre Poult et le néerlandais Banketgroep à la mi-2016 (qui ressemble plus à un rachat de la part des Néerlandais qu’à une association d’égaux), le groupe, avec, depuis la mi-mars 2017, Giampaolo Schiratti à sa tête, ne s’intéresserait pas à ce genre de concept et encore moins, paraît-il, à l’autonomie des salariés, notamment en ce qui concerne la gestion de leurs horaires… D’où, d’ailleurs, le désaccord entre les nouveaux décideurs et Mehdi Berrada, ancien président de l’entité de Toulouse, qui a aujourd’hui quitté ses fonctions.

Auteur

  • Lys Zohin