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Le fait de la semaine

Ordonnances macron : La flexibilité à l’épreuve du terrain

Le fait de la semaine | publié le : 01.04.2019 | Gilmar Sequeira Martins

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Ordonnances macron : La flexibilité à l’épreuve du terrain

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

En vigueur depuis un an, les dispositifs de rupture conventionnelle collective et d’accord de performance collective issus des ordonnances de 2017 marquent une nouvelle étape en termes de flexibilité. À condition d’obtenir la signature d’une majorité de syndicats…

Un an déjà que la loi du 29 mars a ratifié les dispositifs prévus par les ordonnances. Les plus attendus étaient ceux relatifs à la rupture conventionnelle collective (RCC) et les accords de performance collective (APC). Très attendus car bien moins contraignants que les PSE. Sauf que ces dispositifs exigent un accord majoritaire avec une ou des organisations syndicales. Selon le Syntec, sur les 85 projets de RCC engagés en 2018, 70 % ont été validés, 10 % abandonnés faute d’accord, 2 % refusés par l’administration et 15 % toujours en cours d’élaboration. Les avantages ne manquent pas, à commencer par un risque de contentieux inférieur. « Avec un PSE, il est davantage possible de contester la décision de la Direccte, et surtout le licenciement lui-même devant les conseils de prud’hommes », explique David Jonin, avocat du cabinet Gide. S’y ajoute une « amélioration notable des indemnités de rupture ».

Pour autant, une RCC doit réunir des conditions précises pour aboutir. Le volet d’aide au reclassement doit être solide, autrement dit « adapté aux besoins individuels des salariés », précise David Jonin, qui appelle à la vigilance vis-à-vis des Direccte. « L’accord doit être le plus précis possible sur les métiers concernés et les conditions à remplir pour bénéficier de ce type de dispositif », ajoute Éric Beaudouin, fondateur du cabinet Oasys. Il observe que les grands accords de RCC sont souvent liés à des accords de GPEC : « La RCC devient ainsi un instrument de gestion des métiers et des compétences. Cela permet à un plan de GPEC d’être mis en œuvre plus rapidement et de dédramatiser le départ des personnes dont les métiers risquaient de disparaître. »

Les RCC sont souvent inclues dans des accords plus larges, comme celui sur l’accompagnement social de la transformation de la banque Société Générale. Conclu en 2018, il comprenait plusieurs volets (reclassement interne, aménagement de fin de carrière…). Il faisait aussi appel à la RCC pour les salariés avec une ancienneté d’au moins trois ans et présentant un projet de reclassement « externe réaliste », comme une embauche en CDI ou en CDD d’une durée supérieure à six mois. L’adhésion des organisations syndicales n’était pas garantie, rappelle Valérie Lefebvre-Haussmann, secrétaire générale FSPBA CGT : « Sur le principe, nous sommes opposés à la RCC. Les mesures de RCC ne constituent qu’un seul chapitre de l’accord. Par ailleurs, c’est la consultation des salariés sur l’intégralité de l’accord qui a mené la CGT Société générale à le signer. » Malgré ses avantages par rapport au PSE, la RCC n’est pas pour autant un long fleuve tranquille. La FSPBA CGT va ainsi contester devant les tribunaux l’interprétation des accords que met en œuvre la direction régionale stéphanoise de la Société Générale : « Cette direction régionale appelle “fusion” la suppression d’une agence et elle considère qu’une partie seulement des salariés concernés par cette fermeture peuvent bénéficier du dispositif alors qu’ils peuvent tous y accéder dans d’autres régions. Ils ont reçu un courrier de l’inspection du travail mais ils persistent dans cette attitude. »

« Code du travail d’entreprise »

Les accords de performance collective (APC) ouvrent de leur côté un champ de possibilités très étendu. Tout est possible ou presque, explique David Jonin : « Il n’y a pour l’instant aucune jurisprudence qui marquerait la limite jusqu’où peut s’étendre un APC. En quelques mots, si on se base sur le texte de loi, il est possible de quasiment tout modifier pour créer un “code du travail d’entreprise”. » Un APC peut même devenir un outil de gestion des effectifs, estime Jacques Doyen, dirigeant du cabinet Vivienne Consulting : « En matière d’adaptation économique, ce dispositif me paraît ouvrir des voies mieux adaptées que les PSE coûteux, humainement traumatisants et qui abîment l’image de l’entreprise. » Mais là encore, l’APC exige de trouver une ou des organisation(s) syndicale(s) majoritaires pour le signer.

Malgré les avantages qu’ils présentent, les APC restent peu nombreux. Une soixantaine auraient déjà été conclus. Un essor timide qui tient à la complexité du processus et aux conditions à réunir pour assurer son succès : « Il faut d’abord donner du sens au changement proposé et le justifier, explique Jacques Doyen. Or donner du sens n’est pas évident car les caps stratégiques des entreprises sont plus courts, beaucoup de stratégies ont des effets aléatoires et les salariés ont du mal à s’y retrouver. » Dans la plasturgie, branche qui compte 120 000 salariés, 14 APC ont déjà été conclus selon la fédération professionnelle Plastalliance. Ils peuvent modifier la durée du temps de travail, le taux des heures supplémentaires, les jours de carence pour maladie non-professionnelle, ou encore la durée du préavis de licenciement. « Les salariés y gagnent car leur revenu net augmente grâce à la défiscalisation et à la désocialisation des heures supplémentaires, indique Joseph Tayefeh, secrétaire général de Plastalliance. Les heures supplémentaires sont défiscalisées jusqu’à hauteur de cinq mille euros par an.

Ces APC permettent de faire face à une concurrence désormais mondialisée. » Reste à savoir jusqu’à quel point la négociation collective peut devenir l’auxiliaire d’une compétitivité soumise à une pression toujours plus forte.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins