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Le fait de la semaine

Grand débat : La voix timide de l’entreprise

Le fait de la semaine | publié le : 25.03.2019 | Gilmar Sequeira Martins, Sophie Massieu

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Grand débat : La voix timide de l’entreprise

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins, Sophie Massieu

D’abord sidérés par l’irruption du mouvement des gilets jaunes, les corps intermédiaires, marginalisés depuis l’élection de 2017, ont saisi l’occasion du grand débat pour faire entendre leur voix et porter des propositions. Revue de détail des thèmes mis en avant par le Cese et les organisations d’employeurs.

Fiscalité

Un nouveau choc fiscal ? Le Medef propose de réduire à hauteur de 2 points de PIB les cotisations salariales et les impôts de production, notamment la cotisation foncière des entreprises. Pour favoriser l’attractivité fiscale des territoires, il prône aussi la suppression de la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui serait compensée par une dotation prélevée sur les recettes générées par les impôts nationaux. Enfin, le Medef souhaite mettre en place un dispositif unique simplifié de zone franche, sur une durée de dix ans, qui donnerait droit à des exonérations d’impôt sur les sociétés (IS) et de cotisations sociales. Le Syndicat des Indépendants (SDI), constitué de dirigeants de TPE, souhaite réduire la « pression fiscale qui impacte trop les sociétés du type TPE ». Il propose d’appliquer un taux réduit d’impôt sur les sociétés (IS) de 15 % jusqu’à 75 000 euros de bénéfices ou un taux d’IS à 10 % sur la tranche allant jusqu’à 38 120 euros. La CPME fait de l’impôt la base même de l’engagement citoyen. Elle propose donc d’en élargir l’assiette et revoir les taux, afin que tous les Français, même symboliquement, paient un impôt sur le revenu. Par ailleurs, pour les PME ou pour les artisans, elle préconise l’instauration d’un bouclier fiscal qui intégrerait l’ensemble des impôts, nationaux, locaux et liés à la transition écologique. Elle demande aussi à ce que les bénéfices laissés dans les entreprises ne soient plus taxés. Enfin, elle plébiscite la transparence de l’impôt afin que chaque contribuable connaisse l’utilisation des ressources fiscales. Enfin, dans un avis intitulé « Réconcilier la France », le Cese veut plus de contrôles. Toute aide aux entreprises doit « servir l’intérêt général » et « être soumise à une obligation de rendre compte de son utilisation et de ses effets ». Le « groupe citoyen » du Cese, constitué de 28 personnes volontaires sélectionnées pour prendre en compte la diversité de la population, préconise de limiter par des seuils les niches fiscales dont bénéficient les grandes entreprises, « avec vérification du respect des règles et remboursement en cas de fraude ».

Jeunes

Le Medef se distingue avec une proposition inédite : permettre aux entreprises de prendre en charge tout ou partie du financement de la scolarité d’étudiants qui ensuite rejoindraient leurs effectifs pour une durée déterminée. Une sorte de réplique du système existant déjà pour les élèves fonctionnaires qui « remboursent » leurs études en restant au service de l’État pendant plusieurs années. Autre proposition, moins inattendue celle-là : augmenter la circulation de patrimoine des plus anciens vers les plus jeunes. Le Medef propose de favoriser les donations et portant le niveau de l’abattement actuel à 150 000 euros tout en réduisant le délai d’application de 15 ans à 8 ans.

Pouvoir d’achat

Si l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) propose de créer un guichet unique des aides sociales, le Cese va plus loin en souhaitant remplacer par un « revenu minimum social garanti » (RMSG) les minima sociaux existants (lire également p. 7), en excluant partiellement l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) ainsi que l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA). Attribué dès 18 ans pour les moins qualifiés et les plus fragiles, ce RMSG serait indexé sur l’évolution du salaire médian. Le « groupe citoyen » (28 personnes volontaires) a de son côté recommandé d’indexer sur l’inflation le Smic, les allocations et les petites retraites, tout en prônant la répartition des bénéfices des entreprises en trois tiers (salariés, actionnaires, investissements). Le Medef propose pour sa part de prolonger la prime exceptionnelle avec la mise en place d’un dispositif d’intéressement sur décision unilatérale des employeurs. Il pourrait couvrir toutes les entreprises comptant moins de 250 salariés et comporter une exonération d’impôt (CSG-CRDS et impôt sur le revenu) pour les sommes inférieures à 1 000 euros.

Transition écologique

La CPME veut voir appliquer le principe d’adaptation des règles aux réalités territoriales et réduire la fiscalité sur les produits et services qui permettent une amélioration du chauffage ou de l’isolation. Afin de financer « un plan massif de transition écologique », elle recommande le lancement d’un grand emprunt européen. Plus proche du terrain, le Medef souhaite « verdir » les véhicules d’entreprise en pérennisant le dispositif de suramortissement « vert » pour l’investissement. Pour y parvenir, il propose d’élargir les critères afin que ce dispositif puisse couvrir tous les investissements favorisant une mobilité moins émettrice de gaz nocifs pour l’environnement.

Reforme de l’état

Après avoir longtemps défendu une vision jacobine, le Medef se fait le chantre de la décentralisation. « Il y a un besoin de décisions de proximité », estime son président Geoffroy de Bézieux, en vantant le Canada qui, selon l’OCDE, a su combiner forte décentralisation et progression du PIB. Cette décentralisation passerait par un « approfondissement de la compétence économique des régions », mais aussi le respect d’une « règle d’or » budgétaire afin de conserver les équilibres financiers. Le Medef souhaite aussi voir Pôle emploi décentraliser ses politiques, notamment en matière de formation des chômeurs afin de mieux satisfaire les besoins locaux des entreprises. Dans le même ordre d’idées, la CPME propose une « réduction drastique » des effectifs de la fonction publique et l’interdiction de voter un budget déficitaire, de l’État aussi bien que des organismes sociaux gérés de façon paritaire. Enfin, l’organisation représentant les PME réclame que chaque dépense nouvelle soit compensée par une réduction à due proportion et non plus financée par une recette nouvelle.

Relations sociales

Le Cese préconise la mise en place d’espaces formels d’expression dans les entreprises de plus de 50 salariés afin qu’ils puissent « intervenir sur les transformations de leur travail », de même que l’augmentation du nombre d’administrateurs dans les instances de direction, y compris dans les entreprises comportant au moins 500 emplois ETP (équivalent temps plein), quel que soit leur statut. Le Medef souhaite de son côté favoriser le télétravail, en particulier lors des pics de pollution ou en cas de difficultés dans les transports en commun, mais aussi encourager l’implantation des lieux de co-working, en exonérant de « versement transport » les entreprises concernées.

Les syndicats à hue et à dia

Le grand débat a suscité une participation en demi-teinte des organisations syndicales. D’un côté, la CGT et FO ont préféré s’abstenir, sans oublier de critiquer le dispositif, à l’image de Philippe Martinez : « Ce grand débat, c’est de l’enfumage. » La CFDT a saisi l’occasion pour publier un pacte de 66 propositions pour « donner à chacun le pouvoir de vivre ». Signé par 19 organisations, dont la CFTC et l’UNSA, il se donne pour objectif « un changement de modèle économique, social et écologique ».

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins, Sophie Massieu