logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les clés

Toxic handlers : des salariés altruistes trop négligés

Les clés | À lire | publié le : 18.03.2019 | Lydie Colders

Image

Toxic handlers : des salariés altruistes trop négligés

Crédit photo Lydie Colders

Pourquoi les entreprises négligent-elles tant les qualités de certains salariés, ceux qui ont un tempérament compréhensif et généreux ? Un gâchis, selon le chercheur Gilles Teneau et la sociologue Géraldine Lemoine.

Ignorés par les organisations, « les générateurs de bienveillance » (toxic handlers en anglais, soit littéralement « manipulateur de toxines ») sont des managers qui « ont pourtant des ressources rares », affirment les auteurs, car leur empathie naturelle leur permet d’épauler des salariés en souffrance, « de juguler des crises ou le stress ». À partir de travaux en Amérique du Nord sur la compassion au travail, les auteurs ont interrogé une centaine de ces cadres « qui font du bien », et dressent ici leurs profils psychologiques. Objectif affiché : aider les dirigeants et les RH à « repérer » et à « valoriser ces confidents discrets ». Au travers de témoignages émouvants (un cadre malade d’un cancer soutenant ses équipes en pleins déboires financiers d’une association, une technicienne très aidante à la suite d’une enfance douloureuse), les chercheurs montrent qu’ils tirent souvent leur altruisme d’épreuves personnelles qu’ils ont surmontées. « Des résilients », à la fois sensibles et investis au travail, « que les entreprises gagneraient à connaître ».

De la sympathie à la compassion

Les auteurs distinguent ainsi trois types de « générateurs de bienveillance » en entreprise. Il y aurait le « porteur de confiance » sympathique, qui remarque le mal-être d’autrui et le conseille à partir de sa propre expérience, « le porteur de souffrance » empathique, qui comprend celle de l’autre et le « compassionnel », plus désireux « d’agir » pour aider un salarié en difficulté. Et déclinent cette typologie aux comportements managériaux (le paternaliste, le bon copain, le coach…), avec leurs forces (démineur de conflits, remobilisateur) et les points de vigilance, pour les intéressés comme pour les RH. Gare notamment « à l’usure compassionnelle » préviennent-ils. Si ces personnes donnent trop sans être reconnues pour leurs apports, « ils quittent généralement l’organisation »…

Dans cet ouvrage très imprégné par la culture de la pleine conscience ou de la bienveillance (le bouddhiste Matthieu Ricard est souvent cité), Gilles Teneau et Géraldine Lemoine prônent une ouverture de l’entreprise à ces valeurs. Et proposent quelques pistes pour fidéliser ses cadres « qui ont souvent travaillé sur eux-mêmes « : culture du débat contradictoire en entreprise, éthique, « et de nouvelles formes de coordination, relevant du militantisme quotidien, fondées sur une pratique de tous les instants ». Un livre réussi, très humaniste, pour penser le management autrement…

Auteur

  • Lydie Colders