D’un côté, un gisement d’emplois. De l’autre, des personnes qui connaissent un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Le numérique devrait donc permettre aux personnes handicapées de trouver un emploi. Mais l’équation n’est pas si simple, et sa résolution se trouve en partie dans les formations : « Compte tenu de leur faible qualification initiale, ces personnes n’accèdent pas aux cursus classiques, qui demandent pour beaucoup un minimum de bac + 3 pour y accéder », explique Rachel Jeanpierre, responsable du développement de Handigital, une école du numérique grenobloise qui a ouvert ses portes en septembre dernier. Après s’être rapprochée des entreprises locales pour connaître leurs besoins, et des associations de personnes handicapées pour s’assurer qu’il y avait bien un public candidat, l’école a construit une formation adaptée, un référentiel qu’elle dit encore affiner. En 852 heures, 600 théoriques et 252 en entreprise, elle forme, pour sa première promotion, dix personnes au métier de développeur web, 7 hommes autistes et 3 atteints de troubles psychiques. En décembre dernier, l’école iséroise a reçu le label grande école du numérique. Elle compte former 3 promotions en 2019 et ouvrir deux nouvelles antennes, à Lyon et Chambéry. Le succès semble donc au rendez-vous. Mais pour que les personnes trouvent réellement un emploi après avoir été formées, prévient Rachel Jeanpierre, « il faut un accompagnement, et aider à l’acquisition d’un savoir-être, pas uniquement d’un savoir-faire. Et il convient également, en amont de l’arrivée des stagiaires, de réaliser des sensibilisations en entreprise ».

En dehors des écoles qui voient le jour, les entreprises adaptées se lancent, elles aussi, dans la formation aux métiers du numérique. À l’origine de leur implication : la signature, en juillet dernier, avec le ministère du Travail, d’une convention, intitulée Cap vers l’entreprise inclusive 2018-2022. Elle crée des CDD tremplin : les entreprises adaptées doivent, pendant une durée de deux ans maximum, former des personnes handicapées avant de les voir quitter leur structure pour gagner une entreprise ordinaire. Parmi les premières à se lancer dans l’aventure, la société FMS (Facilities Multi Services), à Dax, dans les Landes. Depuis le mois d’octobre dernier, elle forme des développeurs java, principalement des demandeurs d’emploi, pour leur donner un niveau bac + 2. Sur une durée de 12 mois et en alternance, les 10 premiers apprenants auront reçu 1 600 heures de cours.

L’association APF France handicap, qui gère 25 entreprises adaptées, se lance, elle aussi, dans la formation aux métiers du numérique, là encore au développement java. Elle espère former une cinquantaine d’apprenants à cette fonction cette année et a pour l’heure lancé une première promotion de 5 personnes. Elles en sortiront avec un certificat de niveau bac + 2, en avril prochain, après s’être vu dispenser 680 heures de cours. Au vu des petits effectifs concernés et de la grande hétérogénéité du contenu autant que de la durée des formations (qui semblent dépendre en bonne partie des financements publics décrochés), tout laisse à penser que le numérique représente une piste d’emploi mais qu’il ne deviendra pas la panacée pour ces publics en difficulté. Pour autant, selon Olfa Guizani, responsable RH d’APF Entreprises, « l’implication des entreprises dans ces opérations de formation leur offre un nouvel outil de sourcing. Cela leur laisse le temps de tester le candidat, de le former, de lui donner une culture d’entreprise… avant, enfin, de l’intégrer. »