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A quand le grand débat dans l’entreprise ?

Chroniques | publié le : 11.03.2019 |

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A quand le grand débat dans l’entreprise ?

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Martin Richer management & RSE

Nous sommes à mi-parcours du grand débat national, un processus ambitieux et inédit d’intelligence collective, lancé par le président de la République en réponse à la crise sociale – qui est en fait une crise du travail – exprimée par l’irruption des Gilets jaunes. Alors que ces derniers se sont opposés dès l’origine à tous les symboles de notre système politique, la plupart des débats ont lieu dans les mairies et dans les préfectures. Un lieu reste étrangement absent : l’entreprise. C’est d’autant plus paradoxal que bon nombre des revendications reflètent les difficultés du monde du travail : manque de reconnaissance, précarité, rémunérations, mobilité domicile-travail… C’est pourquoi les dirigeants du pays et ceux des entreprises doivent prendre conscience de cinq réalités.

1. Effet système.

Avec Danielle Kaisergruber et Gilles-Laurent Rayssac, je soutiens l’hypothèse – que nous étayons dans un rapport que vient de publier Terra Nova1 – selon laquelle les difficultés de la concertation au sein de la Nation, des collectivités territoriales et de l’entreprise font système. Les faibles possibilités d’expression et de dialogue là où l’on travaille ajoutent aux frustrations des citoyens là où ils vivent.

2. Effet cloisonnement.

Les processus de concertation et de débat collectif se sont développés d’une part dans le public (État, grands projets d’équipement, collectivités territoriales…), d’autre part dans le privé (dialogue social, management participatif…) en s’ignorant superbement. Concertation publique et conceration privée ; chacune doit apprendre de l’autre, pourtant. Ainsi, par exemple, on voit l’usage du référendum se développer en entreprise (depuis les lois Travail d’août 2016 et les ordonnances de septembre 2017), mais malheureusement sans le formalisme qui permettrait de le rendre plus juste et efficace : organisation de la loyauté des débats, information complète donnée aux votants avec respect du contradictoire, etc.

3. Effet autruche.

Plutôt que de faire le gros dos en attendant uniquement que la crise passe, les entreprises devraient affronter la réalité, celle de la difficulté du dialogue. Comparées à leurs homologues européennes, les entreprises françaises sont très en retard quant à la mise en œuvre effective de l’intelligence collective. Or, une ingénierie de la discussion est un véritable atout pour permettre à chacun de se sentir écouté, de prendre des initiatives, de trouver sa place ; autrement dit, de s’impliquer.

4. Effet cohésion.

Prenant appui sur le nouveau concept de « raison d’être » apporté par la loi Pacte, qui arrive en seconde lecture à l’Assemblée le 13 mars, les entreprises devraient lancer un vaste projet de transformation participative pour embarquer l’ensemble de leur corps social, afin de définir leur raison d’être. Que voulons-nous faire ensemble ? Qu’apportons-nous à nos clients et à nos parties prenantes ? En quoi le monde serait-il différent si notre entreprise n’existait pas ? La DRH devrait être la cheville ouvrière de ce projet, dont la direction générale est le garant.

5. Effet compétitivité.

Pour entrer de plain-pied dans la société de la connaissance, les entreprises doivent davantage solliciter les idées et les initiatives de leurs collaborateurs, en travaillant sur tous les leviers de dialogue et d’implication, qui se renforcent mutuellement : dialogue social, dialogue professionnel, innovation participative, intelligence collective. Cette ingénierie du travail passe par une transformation de la culture managériale. Le succès du grand débat devrait inciter les entreprises à agir.

(1) « Délibérer en politique, participer au travail : répondre à la crise démocratique », rapport Terra Nova, 26 février 2019. http://tnova.fr/rapports/deliberer-en-politique-participer-au-travail-repondre-a-la-crise-democratique