Oui, trois fois oui. Le mouvement des gilets jaunes est assez curieux. Il s’exprime hors des organisations syndicales et il continue de les mettre hors-jeu. Pour l’instant, les syndicats n’ont toujours pas réussi à le coiffer. La deuxième caractéristique de ce mouvement, c’est qu’il est né sur une problématique de pouvoir d’achat et sur la question du « reste à vivre » mais pas sur des questions comme l’emploi, le chômage, le cadre de vie ou le logement, qui ne sont pas évoquées par les gilets jaunes. Dans les entreprises, les événements liés aux gilets jaunes ont exercé une pression et font souffler un vent favorable aux organisations syndicales. L’annonce présidentielle de la prime, le 10 décembre, puis les mesures réglementaires prises le 24 décembre, ont créé une nouvelle donne. Dans les entreprises, la question est moins de savoir s’il y aura une prime que de savoir quel sera son montant et quand elle sera versée. Cette prime est presque considérée comme un fait acquis. Mais le point essentiel qui conditionne tout, c’est la santé financière des entreprises.

Nous observons en ce début d’année une pression forte sur la question des salaires. C’est une tension inédite par rapport aux NAO des années passées. Beaucoup de DRH sont dans l’incertitude quant à l’évolution du climat social dans leur entreprise. Pour l’instant, le phénomène gilet jaune ne s’est pas traduit dans les entreprises par une expression collective qui échapperait aux organisations syndicales mais il peut entrer dans l’entreprise. C’est une hypothèse qui est prise en considération par les DRH. Un DRH d’un grand groupe de distribution me faisait part récemment de sa crainte de voir les gilets jaunes « ringardiser » l’expression syndicale.

Dans une grande fédération professionnelle de l’industrie, la tonalité est clairement favorable à une augmentation salariale franche. Elle pourrait même atteindre 2 % afin de calmer les tensions. Cet élément et d’autres convergent pour que les NAO 2019 débouchent sur des augmentations collectives significatives. Les DRH ne considèrent pas comme incongrue une telle augmentation. La question sera ensuite de convaincre les DAF et la direction générale que c’est une décision justifiée. Les entreprises sont par ailleurs confrontées à un autre sujet difficile, à savoir le CSE. La plupart ne sont pas pressées d’engager des négociations sur ce thème et c’est compréhensible car c’est un sujet très stratégique qui implique une réduction du nombre d’heures de mandat et d’autres adaptations sensibles. Ce sont des négociations de nature différente et les entreprises ont intérêt à les mener à travers deux séquences séparées dans le temps.