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GRH : Des « exit interviews » pour positiver les départs

Sur le terrain | publié le : 18.02.2019 | Irène Lopez, Lys Zohin

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GRH : Des « exit interviews » pour positiver les départs

Crédit photo Irène Lopez, Lys Zohin

Nombreuses sont aujourd’hui les entreprises qui, loin de s’indigner du manque de fidélité des collaborateurs, pratiquent avec intérêt les interviews de sortie. Le but ? Apprendre de ceux qui sont sur le départ et, si possible, remédier aux problèmes qui ont conduit à cette décision. Exemple avec le cabinet de conseil Talan et le spécialiste des biotechnologies Amgen.

Le paradoxe est de taille. « Nous n’avons pas beaucoup de turnover, relève Caroline Mièvre, Human Ressources Business Partner (HRBP) & Talent Acquisition Lead pour la filiale française du laboratoire Amgen. Ce qui signifie que, dans certains cas, la route vers un autre poste est bloquée, et nous perdons le collaborateur qui voulait évoluer. » Moralité, un départ à gérer… mais pas question de dramatiser. Ailleurs, chez Talan, « l’attitude première au sein du groupe est de dépassionner le débat », comme l’indique Nicolas Récapet, en charge de l’organisation et des RH de l’ESN, qui poursuit : « Un collaborateur qui part ne doit pas être considéré comme un ennemi. Nous avons juste un désaccord, une vision de la stratégie de l’entreprise différente. » Tout comme chez Amgen, où Caroline Mièvre relève que « certains de ces départs ne sont pas des surprises ». Les employeurs ont mis en place plusieurs dispositifs. Le premier, pour tâter le pouls des salariés, à base de questionnaires, sondages réguliers, entretiens en one to one… chez Amgen, par exemple.

Se montrer proactif

« Nous évoquons parfois nous-mêmes des difficultés à proposer un poste en ligne avec l’évolution souhaitée par le collaborateur », poursuit Caroline Mièvre. La filiale française (350 collaborateurs) du laboratoire américain n’a pas, en effet, le poste idéal immédiatement disponible et si le collaborateur n’est pas mobile, alors c’est parfois l’impasse.

Si la sortie est la seule issue, les deux entreprises, comme de plus en plus d’autres, ont, pour la gérer, mis en place un autre dispositif, un système d’entretiens de départ (exit interviews) bien rodé. « La première étape lorsqu’un collaborateur indique qu’il souhaite partir est de s’entretenir avec lui. Il s’agit là d’un échange avec son manager direct », indique Nicolas Récapet. Le directeur de l’organisation et des RH de Talan commence bien souvent l’entretien par : « J’ai appris que tu quittais l’entreprise. C’est dommage. Vers quel nouveau challenge te diriges-tu ? » Et le conclut par : « Quels sont les axes de progression que tu conseilles ? » Vient ensuite un questionnaire. Un document à remplir qui « évite les biais cognitifs de l’échange one to one avec le manager, précise le spécialiste RH. Les réponses permettent de recueillir des informations précieuses sur ce que les collaborateurs ont le plus apprécié, le moins goûté, etc. » Le processus est grosso modo identique chez Amgen. Dans ce recueil d’informations, « nous privilégions l’humain, indique Caroline Mièvre, en posant des questions sur les aspects managériaux ».

Enfin, dernier élément mis en avant par les deux spécialistes RH, le fait que le collaborateur, même partant, reste un « ambassadeur » de l’entreprise, selon l’expression de Caroline Mièvre. Autant qu’il en ait un bon souvenir… « La grande majorité des collaborateurs qui partent recommanderaient Talan, souligne de son côté Nicolas Récapet. C’est rassurant. »

Analyse des données

Puis, dans les deux entreprises, les informations recueillies sont – tous les trimestres chez Talan, une fois par an chez Amgen – analysées pour mieux comprendre les motivations des démissionnaires et faire émerger des tendances.

« Si nous assistons à des départs successifs sur le même poste, c’est peut-être que le profil recherché n’est pas le bon », avance ainsi Caroline Mièvre. De même, si c’est un problème lié à un manager qui fait fuir les collaborateurs, alors il faut réagir… En outre, certaines entreprises, et Amgen comme Talan en font partie, n’hésitent pas à accueillir de nouveau des salariés dits « boomerang ». Ils sont partis, ont élargi leur expérience et approfondi leurs compétences ailleurs, et les remettent ensuite au service de leur premier employeur. Nicolas Récapet cite ainsi l’exemple d’une collaboratrice qui avait démissionné. « Peu de temps après son départ, elle s’est rendu compte que les équipes de sa nouvelle entreprise manquaient de bienveillance. Elle est revenue travailler chez Talan. » Quant à Amgen, le laboratoire a un exemple tout prêt de salarié boomerang, en la personne de Caroline Mièvre !

Mais si les salariés boomerang font désormais partie de la culture des deux entreprises, Amgen et Talan n’ont pas forcément la même stratégie en ce qui concerne l’idée de « repêcher » les salariés démissionnaires, en général au moment de l’exit interview. Tout dépend sans doute des motivations. Puisque, chez Amgen, elles ont souvent trait à une perspective d’évolution bloquée, « l’idée de faire une contre-offre financière n’a pas grand intérêt, précise Caroline Mièvre. Les raisons de l’envie de partir demeureront et, six mois plus tard, le salarié sera de nouveau candidat au départ ». Position différente chez Talan : « Il arrive qu’au premier stade du processus d’exit interview, lors de l’entretien avec son manager, le collaborateur remette en cause sa décision de quitter l’entreprise et reste ou, bien souvent, que des candidats soient repêchés, indique ainsi Nicolas Récapet. Certains salariés, très attachés au projet, veulent des rémunérations plus attrayantes. Or ils n’ont pas le réflexe d’en parler à leur hiérarchie et préfèrent démissionner », explique-t-il.

Développement des collaborateurs

Si bien gérer la sortie d’un collaborateur fait partie de la stratégie d’entreprise – depuis près de 30 ans chez Amgen, même si les process ont été affinés au fil des années – mieux vaudrait éviter d’en gérer un grand nombre, signe d’un turnover élevé… Et pour cela, rien de tel que de soigner le développement des collaborateurs. Au point – autre spécificité chez Amgen – de demander de façon systématique aux managers de préparer une ou deux personnes de leurs équipes à prendre la suite. Une façon d’organiser ainsi leur propre relève, surtout si leur propre évolution de carrière les pousse ailleurs, dans le groupe ou à l’extérieur. Une façon de dédramatiser un départ, tout en travaillant au développement des collaborateurs et à leur évolution de carrière.

Auteur

  • Irène Lopez, Lys Zohin