Avec davantage de jobs à pourvoir que de candidats pour les occuper, le secteur du digital fait figure d’exception dans un marché de l’emploi ultra-tendu ; 80 000 postes cherchent encore preneurs aujourd’hui. Et selon les estimations de la branche, ils seront 100 000 au cours des trois prochaines années. Face à cela, le volume de candidatures est insuffisant puisque les cursus de formation initiale ne produisent que 36 000 ingénieurs informatiques par an. Par conséquent, la tendance, au sein des grandes ESN (entreprises de services numériques) est désormais d’aller faire son marché les unes chez les autres et de tenter d’attirer à soi les meilleurs profils. « Une véritable guerre des talents fait rage », confirme Delphine Renard, DRH adjointe France de Capgemini. Le groupe d’intégration système en sait quelque chose puisque s’il embauche, chaque année, 3 000 nouveaux collaborateurs, il en perd 2 500 dans le même laps de temps. Delphine Renard en témoigne : « Comme la rareté des compétences règne, notre secteur est en effervescence permanente. Lorsque l’un de nos collaborateurs remet sa fiche LinkedIn à jour, il reçoit une trentaine d’appels de recruteurs potentiels dans la journée ». Pour conserver ses cerveaux et ses talents, Capgemini a choisi de revoir de fond en comble son modèle d’évaluation des compétences et de progression dans l’entreprise pour le rendre davantage compatible avec les aspirations de salariés jeunes et prompts à la mobilité professionnelle dès lors que l’herbe semble plus verte ailleurs. « Le modèle des deux entretiens – celui de début d’année qui fixe les objectifs et de fin d’année qui en tire le bilan – ne répond plus aux aspirations des nouvelles générations. Elles sont demandeuses de rendez-vous plus réguliers, mais aussi d’un modèle permettant à la fois d’accélérer le rythme de développement du collaborateur et sa promotion dans l’entreprise », explique la DRH adjointe du groupe.

Exit, donc, les entretiens annuels formalisés et place à l’évaluation permanente grâce à l’application « CapGénie » (téléchargeable sur mobile, tablette ou ordinateur), développée par les équipes internes de Capgemini en collaboration avec les cabinets de conseil RH Sextant et Secafi, dont le premier déploiement s’est déroulé à partir de juillet 2018 auprès de quelque 5 000 salariés choisis parmi les « juniors » de l’entreprise. Principe de l’outil : huit compétences identifiées dont la maîtrise par le collaborateur lui vaut passage immédiat au grade supérieur avec augmentation de salaire en sus, sans attendre l’entretien de fin d’année. Originalité : c’est le salarié qui s’évalue lui-même à l’issue de chacune de ses missions avant que son manager ne valide, ou pas, l’acquisition de la compétence recherchée. Pour autant, les jeunes “pousses” de Capgemini ne sont pas lâchées dans la nature, smartphone à la main. Tout au long du processus, ces derniers sont accompagnés par un coach career manager chargé de les épauler et d’établir avec eux des baromètres de performances trimestriels. Résultats de l’opération : « Le taux de promotion a grimpé de 22 % à 28 % entre les grades de junior et le premier niveau d’encadrement », note Franck Baillet, vice-président e-learning and development du groupe. L’expérience, en tout cas, a été jugée suffisamment satisfaisante pour être reproduite : en juin 2019, 80 % des salariés du groupe passeront à l’évaluation CapGénie pour une bascule sur l’ensemble des équipes à un horizon de deux ou trois ans.

Activité : intégration systèmes, conseil en transformation numérique des entreprises, accompagnement informatique, optimisation des parcs informatiques.

Salariés : 23 000 en France sur une trentaine de sites.

Chiffre d’affaires annuel (monde) : 12 milliards d’euros.