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Gouvernance : Des règles holacratiques pour une organisation plus efficace

Le point sur | publié le : 18.02.2019 | Lys Zohin

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Gouvernance : Des règles holacratiques pour une organisation plus efficace

Crédit photo Lys Zohin

Pour un meilleur fonctionnement, plusieurs entreprises, un peu partout dans le monde, ont opté pour un système fondé sur des valeurs d’horizontalité et de responsabilité. Exemple avec YellowScan.

« J’ai au moins 65 rôles ! », rit Pierre d’Hauteville. Pas de titre officiel chez YellowScan, une société montpelliéraine de services d’imagerie destinée à la topographie via des drones. Cela dit, Pierre d’Hauteville, l’un des cofondateurs de l’entreprise, qui compte aujourd’hui une trentaine de salariés, est principalement en charge de la vente et du marketing. Si rien ne figure sur sa carte de visite, c’est que la jeune PME, en hyper-croissance aujourd’hui, a choisi dès sa création, en 2015, une organisation qui fait fi des titres et de la hiérarchie. « Dès les premières discussions avec mes deux associés, ce concept, auquel je tenais, devait faire partie de l’entreprise », explique le dirigeant. Pour ce spécialiste de l’optique, féru de management, l’innovation technique, à la base de la création de l’entreprise, devait trouver son pendant dans le modèle d’organisation sociale choisi – innovant lui aussi. « Ce sont mes valeurs, et elles sont très fortes », martèle-t-il.

10 % du potentiel

Des valeurs qu’il s’est forgées au cours de sa carrière, dans d’autres entreprises. « J’ai tellement souffert, avec un modèle hiérarchique qui étouffe les énergies, l’innovation et la prise d’initiatives des collaborateurs chez l’un de mes employeurs (un géant américain de l’informatique…), soupire-t-il. J’étais utilisé à 10 % de mon potentiel et je n’étais pas le seul ! J’ai pris conscience à ce moment de la valeur du capital humain ainsi que de mes limites en tant que manager. » Conséquence, lorsqu’il a cofondé YellowScan, il lui est apparu essentiel, pour que l’aventure réussisse, de s’assurer que « tout le monde puisse innover et que tous les talents s’expriment en permanence », dit-il. Intention louable, mais comment faire ? « J’avais entendu parler de la sociocratie, des décisions collectives, notamment dans le milieu associatif, mais je voulais quelque chose de fort, d’autant que nous avions un impératif d’efficacité très grand ! », poursuit-il. Ce « quelque chose de fort » et d’efficace, pour répondre à un impératif que toutes les entreprises connaissent, Pierre d’Hauteville l’a trouvé dans l’holacracie.

Le cofondateur de YellowScan a rencontré Bernard Marie Chiquet, promoteur du concept en France depuis une dizaine d’années, et a été séduit. Deux jours de séminaire de découverte organisés au sein de YellowScan pour s’assurer que tous les collaborateurs comprennent et adhèrent au projet, et le mouvement est enclenché !

Une grande rigueur

Règles et process sont mis en place et cela marche dans la start-up tech. « Les nouvelles générations sont particulièrement sensibles au discours de transparence et de gestion collective des problèmes, au lieu de tout faire remonter à un chef », confie le dirigeant. Dans l’holacracie, en effet, on demande à chacun de prendre des responsabilités et des initiatives. Pas question de jouer les victimes ou de tenter de passer « la patate chaude » à un autre… Et pas question d’attendre qu’un problème empire ! Il faut, même si l’échec est évidemment permis par la méthode, réagir au plus vite. Chez YellowScan, ces valeurs, favorables à l’agilité, sont mises en avant lors des entretiens de recrutement – et même avant, dans la description de poste figurant sur l’offre d’emploi. L’entretien permet de s’assurer que les candidats y adhèrent, au moins en principe. Ceci étant acquis, reste la vie quotidienne… « Certains adorent, d’autres ont plus de mal », indique Pierre d’Hauteville. D’autant que les concepts de l’holacracie sont relativement complexes et impliquent une grande rigueur. « Certains ont du mal à entrer dans les règles, ils voudraient qu’il n’y en ait pas, détaille le supporter de la méthode. Et comme il y a pas mal de réunions, d’autres ont l’impression de perdre leur temps et vont jusqu’à penser que si une seule personne décidait, ou si les priorités étaient établies par d’autres qu’eux, tout irait plus vite. » Des réunions au cours desquelles, évidemment, les avis divergent parfois, et qui ne sont pas faciles à « faciliter »… Bref, contrairement à une idée reçue, l’holacracie n’est pas de tout repos ! Au-delà de ces défis de tous les jours, Pierre d’Hauteville en voit déjà un autre pointer : « Que ce soit toujours les mêmes qui prennent les initiatives et qu’une certaine forme de hiérarchie s’installe », dit-il. Seule solution par rapport à cela, et elle est prévue dans tous les vade-mecum d’holacracie, une révision régulière des « rôles », en toute transparence, bien sûr, afin de toujours donner la priorité à ces derniers et aux projets de l’entreprise, sans les personnaliser.

Que ce soit pour éviter ce dernier écueil ou vaincre d’éventuelles résistances, YellowScan mise sur le développement personnel des collaborateurs en les accompagnant sur le chemin holacratique. Formation, culture de l’empowerment et de la transformation : « Le but est de passer de victime à créateur », résume Pierre d’Hauteville. Autant dire que, conscient du gâchis qui existe dans d’autres entreprises pour cause de fonctionnement traditionnel, hiérarchique, étouffant, démobilisant, le dirigeant de YellowScan mise avant tout sur l’humain pour déjouer cette malédiction. « Quand je pense que pour améliorer leurs comptes, certaines sociétés délocalisent alors qu’elles feraient mieux de se consacrer à la gestion humaine afin de libérer le pouvoir créateur des collaborateurs ! », conclut-il.

Petite histoire de l’holacracie

Le mot, qui dérive d’une expression inventée par l’écrivain hongro-britannique Arthur Koestler (dans son livre Le Cheval dans la Locomotive, 1967), lorsqu’il évoque l’holarchie, par opposition à la hiérarchie, a été transformé en holacracie au début des années 2000 par un chef d’entreprise américain, Brian Robertson. Il applique le dispositif qu’il a élaboré dans sa société de logiciels, Ternary Software, pour la rendre plus agile. Depuis, il a publié un ouvrage et fait des adeptes, dont les plus connus sont, aux États-Unis, Zappos, une plateforme de vente de chaussures par Internet (qui aurait d’ailleurs abandonné l’holacracie récemment…), et, en France, Danone et Castorama – en tout cas dans certaines de leurs entités.

Auteur

  • Lys Zohin