Pour un établissement bancaire, le turnover des conseillers est un enjeu de première importance. En contact direct avec la clientèle en agence, ils participent grandement à la satisfaction client. Pour réduire le taux de turnover de cette population stratégique, le Crédit agricole d’Ile-de-France a entrepris, durant l’été 2017, un virage dans sa politique RH. Il décide d’élargir son sourcing en privilégiant la personnalité et la diversité des candidats au-delà de la seule compétence technique.

« Jusqu’alors, la présélection se faisait sur CV, rappelle Patricia Vedel, responsable du département recrutement et gestion des carrières. Les chargés de recrutement privilégiaient les diplômés de la bancassurance ou les candidats ayant une expérience dans ce secteur. Ces spécialistes n’avaient toutefois pas forcément une personnalité en accord avec le poste à pourvoir ou avec les valeurs du groupe. Nous souhaitions donc intégrer des profils issus d’autres secteurs, notamment de la grande distribution, du commerce spécialisé ou de l’hôtellerie. » Un changement particulièrement sensible sachant que les conseillers de clientèle constituent 80 % des recrutements du Crédit agricole d’Ile-de-France.

Pour attirer ces nouveaux talents et homogénéiser ses critères d’embauche en osmose avec ses valeurs et sa culture d’entreprise, la caisse régionale se dote d’une solution de recrutement prédictif, « Infor Talent Science » de l’éditeur américain Infor. « À l’époque, il y avait très peu de solutions sur le marché, observe Patricia Vedel. Celle d’Infor était la plus avancée. »

Les six mois qui ont précédé la mise en production du logiciel, en janvier 2018, ont été consacrés à la modélisation du profil du conseiller de référence. Afin de dessiner ce portrait-robot, 300 conseillers en poste se sont portés volontaires.

C’est en croisant leurs réponses à un questionnaire avec la perception qu’avaient d’eux leurs managers qu’une grille d’évaluation a pu émerger. Elle recense les qualités comportementales attendues pour occuper le poste de conseiller. Parmi ces « soft skills », Patricia Vedel place en tête de liste le sens de la relation client. « Le métier de conseiller de clientèle exige aussi une capacité à découvrir les différents univers dans lesquels évoluent nos clients. La gamme des produits dédiés au crédit ou à l’assurance est également très vaste. Cela suppose de l’agilité. » Alors que l’un des risques du recours au recrutement prédictif consiste à embaucher une armée de clones, le Crédit Agricole d’Ile-de-France a su au contraire utiliser l’outil pour diversifier son vivier en dénichant des compétences hors de son spectre habituel.

Le recours à cette solution a changé le process de recrutement. Le premier contact avec le candidat porte sur un échange téléphonique afin d’évaluer sa motivation et son expression orale. Les candidats retenus passent ensuite l’évaluation. Suivent une présentation collective du groupe et de ses métiers puis des entretiens individuels. En fin de chaîne, les profils sont présentés au directeur d’agence qui choisit de les intégrer ou non.

S’il faudra attendre les statistiques sur une année pleine pour une évaluation complète, le turnover a baissé d’environ 10 points entre novembre 2017 et novembre 2018. Pour autant, le modèle type doit faire l’objet de réglages.

« En août dernier, nous avons légèrement modifié le profil, poursuit Patricia Vedel. En 2020 ou en 2021, il faudra refaire le test auprès des conseillers en poste et des managers. Le monde change, les aptitudes comportementales attendues également. Nous ne pourrons rester sur le profil type défini en 2017. »