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Management : Comment se dire au revoir ?

Le point sur | publié le : 28.01.2019 | L. Z.

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Management : Comment se dire au revoir ?

Crédit photo L. Z.

Les RH connaissent très bien les entretiens d’embauche, un peu moins les « exit interviews », ces entrevues de sortie qui permettent de connaître les raisons de départ d’un collaborateur. Peu pratiquées et pourtant utiles, elles posent de nombreuses questions de méthode. Conseils.

« L’entrevue de départ est une rencontre entre l’employé qui quitte la société de son gré et un représentant du service RH ou le manager du département dans lequel l’employé a travaillé », explique Izabela Salicka, coach agréée et médiatrice d’entreprise depuis dix ans chez Mabor. Présenté ainsi, cela paraît banal. La procédure n’est pas toujours suivie.

Pourquoi ? Pour Boris Groysberg, professeur à la Harvard Business School : « On peut réellement s’interroger sur la qualité de l’information qui s’échange à ce moment si particulier de la relation entre employeur et employé. Ce dernier peut vouloir régler ses comptes au moment du départ, exagérer des constats, des insatisfactions ou des ressentiments, sans grande préoccupation constructive. »

La situation inverse se présente également : le sortant peut aussi vouloir lisser ses impressions pour ne pas avoir à subir une discussion avec ceux dont il s’est déjà affectivement éloigné. Il aura alors tendance à banaliser son départ et ses raisons pour échapper aux explications.

Bref, une exit interview, de part et/ou d’autre, ne se déroule pas toujours dans un état émotionnel apaisé et la qualité de dialogue et d’information n’est jamais garantie.

Toujours selon Boris Groysberg : « Ce processus de sortie n’est pas toujours sérieusement géré en interne. Selon que l’entretien est conduit par le manager ou un responsable des ressources humaines, les objectifs, les angles de vue, les attentes ou les risques peuvent varier. Ainsi, les deux tiers de ces exit interviews ne donneraient lieu à aucune action de suivi ; dans un nombre équivalent de cas, l’information recueillie lors de ces entretiens n’est pas partagée avec les décideurs clés. »

Les entrevues de sortie seraient-elles cantonnées à une simple marque de politesse ? Si le pot de départ est davantage plébiscité, les entreprises ont tort de négliger le rite plus formel de l’entretien. Everett Spain est professeur au sein du département des sciences du comportement et de leadership de l’Académie militaire de West Point (États-Unis).

Il a écrit Exit Interviews Count, publié dans la revue Harvard Business (avril 2016). D’après son expérience, pas de doute : les exit interviews sont bénéfiques. Il met en avant une meilleure compréhension de la perception par le partant de son travail, de l’entreprise et des pratiques managériales. « C’est une bonne occasion de regarder de manière pratique les styles de management et leur efficacité, de porter un regard rétrospectif sur une carrière et un parcours professionnel, dans un contexte qui peut être moins normé que celui d’un entretien annuel », déclare cet expert.

Un entretien de départ, c’est aussi un moyen pour l’entreprise de se « benchmarker » avec les pratiques de ressources humaines d’autres entreprises, celles vers laquelle se dirigent les partants. Les managers connaissent peu les pratiques des autres.

Enfin, dernier objectif possible, l’entretien de départ est une occasion de faire du partant un ambassadeur. Aucun employeur n’a intérêt à ce que les collaborateurs véhiculent une mauvaise image de l’entreprise qu’ils quittent. En outre, il n’est pas rare d’observer des salariés qui reviennent dans leur ancienne société.

La conversation au coin du feu à oublier

Ces ambitions seront d’autant plus atteintes que RH, managers et salariés partants attendent quelque chose des entretiens.

Il convient donc de fixer des objectifs clairs dont sont conscients ceux qui les conduisent. Everett Spain et Boris Groysberg en sont convaincus : « C’est peut-être la difficulté principale de l’exercice : en attendre quelque chose. » La conversation « au coin du feu, avec une tasse de thé » doit donc être chassée des esprits sous peine que l’entretien se transforme en un compte rendu perdu dans un dossier.

Une exit interview se pense dans le détail en fonction des objectifs poursuivis. Amélie Alleman, fondatrice d’Akros Solutions, propose une liste de questions à aborder lors de l’entretien : « Y a-t-il eu des promesses non tenues qui auraient provoqué une déception chez un collaborateur ? Un projet s’est-il mal passé ? L’ambiance au sein de la société ou d’une équipe en particulier est-elle mauvaise ? Y a-t-il trop de pression ou connaît-on un sous-effectif sur certains projets ? L’équipe de management en place est-elle bonne ? Les managers ont-ils une bonne vision des compétences de vos employés ?

Vos collaborateurs se sentent-ils reconnus et exploitent-ils leurs compétences selon leur potentiel ? Sont-ils payés en adéquation avec le salaire du marché ? Ont-ils suffisamment de liberté de fonctionnement, d’autonomie dans leur travail quotidien ? Ont-ils une vision sur le futur, sur l’évolution de leur rôle, des perspectives d’avenir qui vont de pair avec celles de la société ? Partagent-ils les valeurs de l’entreprise ? »

Et si, finalement, les DRH passaient outre les entrevues de départ ?

Plutôt que de les supprimer, Boris Groysberg et Everett Spain préfèrent les englober dans ce qu’ils nomment une discussion ininterrompue : l’exit interview ne devrait pas être qu’une procédure, une formalité obligatoire en cas de départ, mais plutôt un jalon de la conversation qui devrait exister tout au long de sa vie professionnelle entre l’employé et l’employeur.

Le dialogue continu avec ses salariés

« C’est bien de cela dont il s’agit : qu’importe l’abandon des entretiens annuels ou la réapparition des exit interviews ! L’important est comment l’employeur maintient la relation, le dialogue avec ses salariés tout au long de leur carrière.

L’entretien de départ ne devrait jamais être la première occasion de converser sincèrement, mais une occasion de plus, à un moment un peu particulier. » Maurice Thévenet, professeur au Cnam et à Essec Business School et auteur d’une vingtaine d’ouvrages sur la culture d’entreprise et le management, a trouvé l’idée du « stay interview » : « Il consisterait à demander aux salariés pourquoi ils restent.

Peut-être les RH n’apprendraient-ils rien durant cet entretien, peut-être n’en feraient-ils pas plus qu’avec leurs entretiens d’évaluation ou leurs exit interviews mais ils permettraient au moins aux salariés de se poser la question ; ce serait parfois bénéfique. »

Les exit interviews en trois points clés

Est-il opportun de pratiquer systématiquement ces entretiens ou seulement avec les salariés qui représentent plus que les autres des ambassadeurs potentiels ?

S’il faut prioriser les collaborateurs, les hauts potentiels doivent être incontournables. Tout simplement parce qu’ils sont les plus difficiles à remplacer.

Qui doit conduire les interviews, le professionnel des ressources humaines, le manager direct ou le n + 2 ?

Le n + 2 serait mieux à même de percevoir la qualité de l’information recueillie et donc plus disposé, en principe, à en faire un usage utile.

Quel est le bon moment pour ces entretiens ?

À mi-chemin entre l’annonce du départ et le départ effectif, c’est-à-dire une fois que l’émotion de l’annonce est retombée et avant d’être totalement désinvesti émotionnellement de l’entreprise quittée.

Trois quarts des entreprises réalisent des exit interviews

Pour mieux comprendre l’état des processus et des résultats des entretiens de départ, 188 cadres et 32 hauts dirigeants ont été interrogés1 . Ils représentaient 210 organisations dans 33 secteurs d’activité différents, basées dans plus de 35 pays.

Les trois quarts des entreprises de l’étude organisaient un certain genre d’entretiens de départ pour au moins quelques-uns des salariés en partance.

Parmi elles :

• 70,9 % laissaient le soin à leur service RH de gérer le processus ;

• 19 % confiaient cette tâche au superviseur direct du collaborateur ;

• 8,9 % déléguaient le travail au manager du superviseur direct ;

• 1 % faisait appel à des consultants externes. Environ 8,2 % des organisations recouraient à plus d’un intervieweur. Seules 4,4 % utilisaient des questionnaires :

• 1,9 % optait pour un questionnaire accompagné d’un entretien en face-à-face ou téléphonique ;

• 2,5 % se servaient de questionnaires comme unique forme d’entretien de départ.

(1) Étude réalisée par Boris Groysberg, professeur à Harvard Business School.

Auteur

  • L. Z.