logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le point sur

« Il faut accorder plus d’importance à un salarié partant qu’à un salarié qui entre »

Le point sur | publié le : 28.01.2019 | I. L.

Image

« Il faut accorder plus d’importance à un salarié partant qu’à un salarié qui entre »

Crédit photo I. L.

Gérald Aitmehdi, cofondateur de PDA Pharma et ancien cadre dirigeant de l’industrie pharmaceutique, a réalisé beaucoup d’exit interviews. En tant que manager, lorsqu’il faisait partie du middle management ou quand il a occupé des postes plus gradés. De ces entretiens, il a tiré de nombreux enseignements.

Dans quel cadre avez-vous réalisé des exit interviews ?

sJe les ai effectués majoritairement en milieu de carrière. Ce sont des entretiens que je m’obligeais à faire. Mes supérieurs disaient : « Un collaborateur est contre ou avec nous. Dès qu’il démissionne, il est contre nous ». Je n’étais pas incité à en réaliser.

Quand une personne démissionne, son supérieur hiérarchique peut prendre cela comme une forme d’échec ou une remise en cause des pratiques de l’entreprise. Cela est rarement acceptable dans une structure où l’esprit de compétition prime, où il ne faut pas avoir de faille et toujours être de bonne humeur. Dans mon cas précis, j’ai systématiquement eu besoin de connaître les motifs de départ d’un collaborateur.

Quels salariés sont concernés par les exit interviews ?

Tous. Que leur départ soit volontaire ou qu’ils fassent l’objet d’un licenciement. L’exercice n’est pas aisé ; loin de là. Cela est très difficile de licencier. Cela signifie que nous nous sommes trompés lors du recrutement, autrement dit ce n’est pas la bonne personne à la bonne place. Dans ce cas, l’entretien peut ne pas être productif. Les deux personnes ne vont pas dans le même sens. J’ai beau expliquer au collaborateur qu’il peut se libérer en parlant, en évoquant tout ce qui ne va pas, il peut être fermé à tout dialogue. En France, le licenciement est souvent vécu comme un échec et non pas comme une expérience. C’est l’une des différences entre le monde du travail anglo-saxon et celui de l’Hexagone.

À quoi servent les exit interviews ?

Lorsque le collaborateur communiquait librement, je découvrais des choses que je ne voyais pas ou une situation que je méconnaissais. Imaginez un salarié compétent avec lequel on s’entend bien, qui reçoit un salaire jugé satisfaisant et… qui démissionne. Cela paraît incompréhensible. L’exit interview permet de comprendre ses motivations. Peut-être a-t-il des ambitions plus fortes que nous n’avions pas décelées, peut-être a-t-il des aspirations différentes suite à une nouvelle situation familiale. Il se peut encore que le management soit remis en cause. Pour le manager, cet entretien demande beaucoup de courage : il faut accepter des remarques peu plaisantes qui relèveraient de l’insubordination dans un autre cadre. Au début de ma carrière, certains traits de caractère m’ont été reprochés : « Tu es trop comme ci ou pas assez comme ça ».

Pourquoi faut-il réaliser de tels entretiens ?

Nous devons apporter plus d’importance à un salarié qui part qu’à un salarié qui entre dans l’entreprise. C’est fondamental. Il y a plusieurs raisons : la première est parce que ce salarié a un réseau. Il connaît du monde et peut vous porter préjudice s’il critique l’entreprise qu’il vient de quitter. Il peut également devenir un concurrent ou revenir dans l’entreprise. La deuxième repose sur la vision et la perception du collaborateur qui part. Il faut l’écouter car cela peut aussi bien être la pensée d’un fournisseur ou d’un client.

Enfin, troisième raison : l’entretien est l’occasion d’apprendre. Les informations issues d’une exit interview doivent être remontées au top management. Un supérieur hiérarchique qui apprend, par exemple, que l’ambiance est mauvaise, que l’entreprise s’avère trop stressante, doit réagir. Parfois, de manière très simple, il s’agit de réunir les collaborateurs autour d’une galette parce que cela fait deux ans qu’il n’y a pas eu de pot. Cela peut aussi être le signal pour s’entretenir avec ceux qui restent pour mieux les connaître et prévenir les départs.

Auteur

  • I. L.