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Seniors : L’allongement des carrières, un défi pour les DRH

Le point sur | publié le : 21.01.2019 | Nathalie Tran

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Seniors : L’allongement des carrières, un défi pour les DRH

Crédit photo Nathalie Tran

Comment augmenter le taux d’emploi des seniors, maintenir leur motivation jusqu’à leur départ à la retraite et leur permettre de partir dans de bonnes conditions ? À travers leurs accords, certaines entreprises tentent de résoudre cette délicate équation.

Les effets du recul de l’âge d’ouverture des droits à la retraite, de 60 à 62 ans, se font progressivement sentir. De 2000 à 2017, le taux d’emploi en France des 55-64 ans est passé de 30 % à 51 %, selon le dernier rapport « Les seniors, l’emploi et la retraite » publié par France Stratégie en octobre 2018. « C’est désormais plutôt autour des âges de 60-62 ans que le taux d’emploi tend à baisser, alors que pendant longtemps le cap des 60 ans est apparu comme une norme de cessation d’emploi », constatent ses auteurs. Le vieillissement de la population active est une réalité que les employeurs vont devoir de plus en plus intégrer dans leurs politiques de ressources humaines. Or ils ont du mal à changer de regard vis-à-vis des seniors. L’enquête publiée en avril dernier par le cabinet de consultants Oasys et le cabinet d’expertise Syndex, sur les pratiques des entreprises en faveur de l’emploi des seniors, indique que 65 % des institutions représentatives du personnel et des organisations syndicales considèrent que leur entreprise ne perçoit pas ses quinquas comme un atout. Lorsqu’elles ont mis en place des accords ou des plans dédiés, dans 85 % des cas, la principale motivation a été de répondre à leur obligation légale. Apporter des réponses aux problématiques propres à cette catégorie de collaborateurs n’arrive qu’après.

La situation varie toutefois selon les secteurs. Si « dans les IT, on est considéré très tôt comme un senior, dans la banque-finance et l’assurance, par exemple, plus on est senior mieux c’est », souligne Jean-Pierre Baudinat, senior manager chez Robert Walters. Chez Gras Savoye Willis Towers Watson, en effet, l’expérience des plus de 50 ans n’est pas seulement une précieuse ressource. Elle est un avantage concurrentiel. « Nos clients ont besoin d’être rassurés par l’expertise et la séniorité, explique Sandrine Perrien, responsable du développement RH du groupe. Il nous faut être très vigilants sur le maintien de cette expertise, tout en faisant en sorte de préparer les nouvelles générations de quadras sur les postes à responsabilité ». La société de courtage accorde même une priorité aux plus de 50 ans qui sollicitent une formation pour accompagner leur projet professionnel.

Entretenir l’engagement et la motivation

À l’instar de Gras Savoye Willis Towers Watson, d’autres entreprises veillent à développer l’employabilité de leurs seniors et à créer les conditions nécessaires pour prévenir l’usure professionnelle et maintenir leur niveau de performance jusqu’au moment de leur départ à la retraite. Dans son récent accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) 2018-2020, la BPCE s’est engagée, notamment, à maintenir ses effectifs seniors (18 %) et à renforcer leur accès à la formation et au développement de leurs compétences. Idem chez BNP Paribas Personal Finance. Pour entretenir l’engagement et la motivation de ses collaborateurs de 55 ans et plus, soit 12 % de ses effectifs, l’entreprise a mis en place toute une palette de mesures destinée à rendre la fin de leur parcours professionnel attractif. Le spécialiste du financement aux particuliers espère, notamment, reculer l’âge moyen du départ de l’entreprise, qui aujourd’hui se situe à 60 ans, à 62 ans. « Nous les accompagnons de manière positive, mais non discriminante, afin de leur permettre de continuer à se projeter dans une seconde partie de carrière, explique Christophe Banning Lover, responsable des relations sociales et des projets sociétaux. La carrière ne s’arrête pas à 50 ans, nous veillons à assurer à nos seniors des perspectives de formation, d’évolutions de carrière et de mobilité géographique et fonctionnelle, ainsi qu’une évolution de leur rémunération. » En 2017, 80 % des collaborateurs seniors ont participé à au moins une formation, 20 % ont bénéficié d’une mobilité interne à l’entreprise ou au sein du groupe et autant d’une augmentation de salaire individuelle, basée sur la performance, ou d’une promotion. Ces entreprises capitalisent par ailleurs sur le savoir de leurs seniors et forment ceux qui le souhaitent au tutorat et au parrainage afin d’assurer la transmission des compétences. Une manière aussi de valoriser leur expertise. Parmi les actions mises en place, jugées performantes par les DRH, ces pratiques arrivent en bonne position (74 %) dans l’enquête Oasys consultants/Syndex. Gras Savoye Willis Towers Watson, par ailleurs, a créé un Label formateur interne occasionnel, et verse une prime à ceux qui se portent volontaires pour tutorer ou parrainer un jeune salarié. Dans ce même esprit, le groupe envisage de mettre en place un programme de mentorat favorisant la coopération intergénérationnelle et notamment l’appropriation des nouveaux outils par les seniors. « L’apport est mutuel », souligne Sandrine Perrien.

Modulation du temps de travail

Prolonger les carrières suppose aussi de prévenir les situations de pénibilité via l’aménagement des postes, d’horaires et de durée du travail et d’agir sur la qualité de vie au travail. Si les derniers accords révèlent plutôt une volonté de relever le taux d’emploi des seniors et d’améliorer la gestion de leur carrière, les signataires tentent de trouver le bon compromis entre le développement de l’engagement des collaborateurs jusqu’à l’âge de la retraite et la possibilité de réduire progressivement leur temps de travail afin de lever le pied s’ils le souhaitent. À cet égard, la mise en place de temps partiels ou d’aménagement d’horaires arrive en tête des mesures considérées comme positives pour plus de 60 % des RH et des syndicats.

BNP Paribas Personal Finance, par exemple, accorde aux salariés de 55 ans et plus, le droit d’acheter des jours de vacances supplémentaires (en plus de leurs congés payés et de leurs RTT), afin d’aménager leur temps de travail. Le financement prend la forme d’un prélèvement sur leur 13e mois. La société de crédit offre également la possibilité de travailler à temps partiel à 80 %, rémunéré à 80 %, à partir de 58 ans et plus, sans être pénalisé, puisqu’elle cotise sur la base d’un salaire à temps plein. IBM va plus loin encore. Dans son nouvel accord triennal de GPEC signé le 3 juillet dernier, le géant de l’informatique propose aux salariés les plus âgés un temps partiel aidé de deux ans leur permettant de travailler entre 50 % et 70 % du temps de travail, avec une rémunération maintenue entre 60 % et 80 %, tout en percevant leur indemnité calculée sur le salaire reconstitué à temps plein. Les collaborateurs peuvent également opter pour un temps partiel abondé, durant lequel ils touchent, en plus de leur salaire, une prime mensuelle égale à 10 % du salaire mensuel brut. Cette période de temps partiel est suivie d’une dispense d’activité avant la retraite, entre six mois et quatre ans, indemnisée quant à elle à 60 % du salaire de référence. Pour rendre le programme de transition de carrière incitatif, l’entreprise verse en plus une prime égale à un quart de mois de salaire par trimestre passé dans le programme. À condition toutefois d’en faire la demande 24 mois avant le départ à la retraite, ce qui permet à l’entreprise d’anticiper les départs et d’intégrer de nouveaux talents.

Mécénat de compétences

S’ils ont un coût, ces dispositifs ont l’avantage de permettre aux entreprises de mieux gérer leur pyramide des âges. Orange, de son côté, propose, dans son nouvel accord intergénérationnel, signé le 14 décembre dernier, trois modalités de temps partiel seniors (TPS). Les deux premières correspondent à un TPS de 36 mois avec un temps de travail de 50 % et sont accessibles aux collaborateurs éligibles à la retraite entre le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2025. Le TPS peut être rémunéré à 65 % avec 24 mois de temps libéré ou rémunéré à 75 % avec un temps libéré de 12 mois, au choix. La troisième solution permet, en revanche, aux salariés de 57 ans et plus, de réaliser des actions de mécénat de compétences sur une partie de leur temps de travail, soit à mi-temps, en étant rémunérés à 80 %. Ils ont ainsi l’opportunité de mettre leur expertise au service d’une association à vocation culturelle, sociale, environnementale ou humanitaire, pour une durée de 18 à 24 mois. Un moyen utile de favoriser l’implication des seniors et faciliter la transition avec leur retraite. Néanmoins, la formule suscite encore peu l’intérêt, côté entreprise : à peine 13 % des DRH et DG qui la proposent la jugent performante, contre 16 % des représentants du personnel.

Une notion évolutive

Faute de définition légale, la notion de « senior » reste floue. Si en matière de formation, le terme s’applique aux collaborateurs de 45 ans et plus, ce qui est le cas notamment des entretiens de seconde partie de carrière ou de l’accès à un contrat de professionnalisation adulte, il en va différemment pour les mesures relatives à l’emploi. Lorsqu’il s’agit du recrutement, elles visent les salariés de 50 ans et plus. En revanche, en matière d’objectif chiffré de maintien dans l’emploi, ce sont les 55 ans et plus qui sont concernés. Les dispositifs ciblés, mis en place par les entreprises à l’attention de leurs salariés les plus âgés, s’adressent, quant à eux, plutôt aux collaborateurs de 50 ans et plus, voire aux 55 ans et plus. Et parfois même aux 58 ans et plus lorsqu’il s’agit de temps partiel aidé ou de rachat de trimestres. L’âge de départ de l’entreprise tendant à reculer, les employeurs ont tendance à repousser d’autant l’âge d’éligibilité à leurs programmes.

Auteur

  • Nathalie Tran