« Dans le bâtiment, le problème, ce sont les délais », répète à l’envi Lionel Gocel. Ce chef d’entreprise lorrain a imaginé une solution de préfabrication, puis une application pour préparer les chantiers en amont et mieux gérer ses 270 salariés.
« Dans mon secteur d’activité, le souci est que l’on est toujours en retard ! Si un chantier prend du retard, ça déséquilibre tous les plannings », souligne Lionel Gocel. Dirigeant depuis 1998 de l’entreprise de bâtiment, plomberie et chauffage créée par son père en Lorraine, il a imaginé trois solutions pour mieux gérer l’agenda de ses 270 salariés et satisfaire davantage les clients qui font appel à lui. Pour mieux anticiper les chantiers, et éviter notamment que les ouvriers ne se retrouvent avec un matériel manquant chez le client, il a mis en place un système de préfabrication des pièces. Système de chauffage en cuivre, cuisine, réseaux d’eau… sont désormais fabriqués en atelier. « Ça permet de prendre de l’avance sur le chantier », se félicite le chef d’entreprise. Mais l’arrivée des pièces toutes faites, prêtes à être installées, a mis au jour un autre problème. « Les temps de chantier ont été divisés par quatre : il nous a fallu gérer le côté humain », explique Lionel Gocel. « Avant, quand on mettait quatre jours sur un chantier, si un gars arrivait en retard ou était absent une demi-journée, on s’en sortait. Maintenant, on arrive à terminer le chantier en une journée, à condition que tout le monde soit opérationnel. S’il faut trois personnes pour installer le système de chauffage préfabriqué, on doit tous répondre présent », expose-t-il.
Pour trouver la solution, Lionel Gocel décide de faire appel à trois élèves ingénieurs-informaticiens de l’école de Metz. « Je leur ai demandé de recenser tous les salariés, tous les services, tous les plannings, tous les véhicules… et de créer un logiciel de gestion de planning partagé. » Aucun des outils trouvés sur le marché ne répond en effet aux besoins spécifiques des entreprises de bâtiment. « Ils ont inventé une interface vraiment ludique, où l’on voit tous les chantiers avec des bonshommes de différentes couleurs que l’on déplace au fur et à mesure de l’avancement des opérations : une semaine avant leur départ en vacances, ils deviennent orange pour que l’on anticipe l’absence, et les chefs de chantier, manœuvres ou intérimaires apparaissent aussi de différentes manières », détaille le dirigeant de l’entreprise.
Chaque matin, en réunion d’équipe, il fait le point avec les RH sur les feuilles de présence et d’heures complétées sur le terrain par les chefs de chantier (tous équipés d’un téléphone) et générées automatiquement par l’application. « Avant, on avait une personne à temps plein chargée d’éditer les feuilles d’heures. Désormais, elle fait du contrôle et donne des idées pour améliorer le logiciel », se réjouit le gérant. S’il a fallu un ou deux ans de prise en main pour utiliser le logiciel au mieux de ses capacités, il permet, depuis sa création il y a cinq ans, une meilleure communication entre les services. Et l’embauche de 111 personnes supplémentaires.
Au vu des résultats de Wave, ce logiciel sur les chantiers, il a décidé d’investir dans la création d’un second outil, Solitech, pour améliorer également la gestion de son personnel de dépannage.
Alors que les factures se font encore à partir du bon papier rapporté par les dépanneurs, et qu’il y a six ans de nouvelles obligations de sécurité par rapport à l’amiante ont été mises en place, Lionel Gocel imagine que le numérique peut aider. Les ingénieurs développent donc là aussi une solution. Équipés chacun d’un téléphone mobile, les dépanneurs reçoivent désormais les informations sur l’application. À l’aide d’une photographie et de renseignements précis demandés à chaque étape du logiciel, ils justifient de leurs interventions ou non en temps réel. Ils ont aussi accès au diagnostic amiante en pièce jointe. « Le logiciel est hyper adaptable, on peut mettre ce qu’on veut, et il permet aussi de garder en mémoire ce que les ouvriers font sur le terrain, se réjouit Lionel Gocel. Ce n’est pas du flicage avec un mouchard dans le véhicule, mais une aide au planning et à l’échange d’informations entre les services : ça oblige tout le monde à être bon, de la secrétaire qui remplit la fiche d’intervention au dépanneur sur le terrain. » Grâce à l’outil, le ticket moyen d’intervention a augmenté de 25 %, car les photos permettent de facturer réellement le matériel utilisé et le temps passé, contrairement au quitus papier trop souvent mal rempli. Lionel Gocel a investi entre 100 000 et 150 000 euros pour la création de ces deux logiciels en version bêta. Il vient aussi de fonder sa start-up, dotée d’un million d’euros et de 20 développeurs, pour commercialiser la deuxième application de gestion en dépannage.