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Sourcing : Sopra steria courtise ses ex-collaborateurs

Le point sur | publié le : 14.01.2019 | Adeline Farge

Soigner les départs, cultiver les liens, offrir des perspectives de carrière alléchantes, rien n’est laissé au hasard pour convaincre les anciens collaborateurs de réintégrer l’entreprise.

Partir – pour mieux revenir… « C’est un phénomène dans l’air du temps. Les nouvelles générations ont une acceptation différente de la fidélité professionnelle. Elles ont avant tout envie d’évoluer. Si des employeurs leur proposent des opportunités intéressantes, elles n’hésiteront pas à nous quitter, même si elles ne sont pas fâchées, analyse Christelle Pradier, directrice du recrutement chez Sopra Steria, une entreprise de services numériques. De la même manière, si, quelques années plus tard, nous leur faisons une offre correspondant à leurs ambitions, elles n’auront aucun mal à revenir. »

Sopra Steria, confronté à une pénurie de talents, a en effet compris l’intérêt de rapatrier dans son giron des salariés partis tenter l’aventure ailleurs. « Nous envisageons toutes les pistes imaginables pour trouver des talents. La réintégration de nos anciens consultants est l’une de nos stratégies de recrutement », explique Hichem Dhrif, directeur de la division conseil Défense et Sécurité, qui emploie trois salariés boomerang. Sur les 3 000 personnes recrutées en 2018 par Sopra Steria, environ 5 % étaient d’anciens alternants, des jeunes diplômés ayant fait leurs débuts dans l’entreprise, des consultants expérimentés. « Ces salariés connaissent l’entreprise et ont souvent conservé un réseau en interne. S’ils reviennent, c’est qu’ils sont en accord avec notre culture et notre stratégie. Ils ont aussi développé des acquis chez d’autres employeurs qu’ils mettront à profit. Ils seront donc rapidement opérationnels », estime Christelle Pradier.

Garder le contact

La démarche ne manque pas d’avantages, mais des précautions s’imposent pour ne pas rater un retour. Principale clé pour réussir ses retrouvailles, soigner les départs. Lorsqu’un consultant démissionne, le spécialiste de la transformation numérique prévoit un entretien avec le manager-RH afin d’échanger sur les raisons poussant le salarié à prendre le large : lassitude, manque de perspectives d’évolution, envie de créer sa start-up… « Un salarié est libre de partir. Nos managers ne doivent pas chercher à le retenir par tous les moyens. Ils sont là pour entendre les raisons du départ. Cet échange permet de corriger les erreurs si le collaborateur décide de revenir », indique Christelle Pradier.

Encore faut-il ne pas perdre de vue ses anciennes ouailles. Les appeler régulièrement, communiquer avec elles sur les réseaux sociaux, les inviter à déjeuner sont autant d’occasions de cultiver les liens. Les managers, les chargés de recrutement et les ex-collègues, qui peuvent jouer le rôle de cooptant, en profitent pour s’informer sur leur emploi actuel et partager les actualités de l’entreprise. « Plus on maintient le lien avec le collaborateur, plus il sera sensible à l’opportunité qu’on lui offre et sera susceptible de postuler. Certains enchaînent les entreprises et se disent qu’au final, l’herbe n’est pas plus verte ailleurs », constate Christelle Pradier.

Même lorsqu’ils sont démarchés par un manager, les salariés boomerang sont loin d’arriver en terrain conquis. Ainsi, ils n’échappent pas au processus de recrutement habituel, avec au menu au moins deux entretiens. Lorsqu’un candidat au retour a postulé de son propre chef, les RH de Sopra Steria sollicitent l’avis du responsable qui l’a vu à l’œuvre par le passé. « Une embauche ne repose jamais sur la décision d’une seule personne, même quand le candidat a une expérience en interne. Pour garantir l’objectivité, il est essentiel de prévoir des entretiens avec au moins deux managers. Nous ne savons pas si ses compétences et ses aspirations actuelles sont en phase avec nos attentes. Nous ne devons pas réintégrer d’anciens salariés pour de mauvaises raisons », justifie Christelle Pradier. Les candidatures de ceux qui veulent simplement rejoindre leurs copains de bureau, qui sont partis en mauvais termes ou qui ont chipé un client quand ils étaient chez la concurrence sont exclues d’office…

Pour les autres, ces entretiens sont l’opportunité de discuter en toute transparence de leurs perspectives dans l’entreprise et de négocier les conditions de leur retour. « En dehors de l’entreprise, le collaborateur a continué d’emmagasiner des expériences. L’entreprise doit lui proposer des trajectoires et un salaire tenant compte de son nouveau potentiel », recommande Christelle Pradier. Pour séduire ses ex-performers, le groupe de services informatiques peut élargir leur terrain de jeu, leur confier de nouvelles responsabilités, les positionner sur des marchés différents. « Certains consultants sont partis car ils avaient le sentiment d’avoir fait le tour. Ils peuvent se dire que s’ils reviennent, ils vont travailler sur les mêmes missions qu’avant. Il faut casser ce sentiment de déjà-vu. Nous devons leur garantir qu’ils pourront progresser et s’épanouir à nouveau chez nous. Et surtout honorer cette promesse pour ne pas les voir repartir », avertit Hichem Dhrif.

Acclimatation

Même s’il est replongé dans un environnement familier, le salarié suit, comme tout nouvel embauché, le parcours d’intégration. Si sa vision de l’entreprise n’est pas actualisée, il risque d’être déstabilisé par les changements. « Même si c’est plus confortable de revenir dans son ancienne entreprise, j’ai dû reprendre mes marques et m’approprier mes nouvelles missions. À mon arrivée, la structure n’était plus la même que quand j’étais parti. On m’a familiarisé avec les process, les projets en cours et les outils de travail. Dans nos environnements, les métiers évoluent rapidement. Il y avait aussi beaucoup de nouvelles têtes », raconte Aurélien Serrano, manager et salarié boomerang.

Préparer les collaborateurs au retour de leur ancien collègue, en leur présentant les raisons de sa réintégration mais aussi les responsabilités assumées et les challenges relevés à l’extérieur, est une autre clé du succès. « L’équipe peut être ravie de retrouver la personne mais aussi estimer qu’elle l’a abandonnée, précise Christelle Pradier. Si le salarié bénéficie d’une promotion à son retour, nous devons lever tous les malentendus. Il doit être légitime et crédible auprès des managers et collaborateurs. »

Auteur

  • Adeline Farge