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Viviane Stulz : La chronique juridique d’avosial

Chroniques | publié le : 17.12.2018 | Viviane Stulz

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Viviane Stulz : La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Viviane Stulz

Les cadres et les 35 heures

Pourquoi un salarié payé pour travailler 218 jours par an bénéficierait-il des heures supplémentaires comme s’il travaillait 35 heures ? C’est la question que nous posons régulièrement aux tribunaux. La situation est la suivante : un salarié, cadre ou non, qui dispose d’une réelle autonomie dans l’organisation de son temps de travail, peut être soumis à un régime de forfait-jours aux termes duquel il travaille « x » jours par an, souvent 218, selon les stipulations des conventions et accords collectifs. Sa rémunération est forfaitaire pour le nombre de jours de travail. La Cour de cassation depuis le 29 juin 2011 a posé des conditions strictes pour la validité d’un tel système. Le salarié doit signer une « convention individuelle de forfait » précisant les conditions applicables. L’employeur doit, non pas décompter les heures de travail du salarié, mais, ce qui n’en est pas loin, s’assurer que le salarié respecte les temps de repos obligatoires (11 heures de repos journalier et 35 heures de repos hebdomadaire) et des durées de travail raisonnables. Pour assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, l’employeur doit, en outre, s’assurer que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables, que l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée est respecté, que le travail est bien réparti dans le temps et que la rémunération est en adéquation avec la durée réelle du travail et doit par ailleurs tenir avec le salarié au moins un entretien annuel spécifiquement sur ces sujets ; ce n’est pas suffisant, il doit le vérifier régulièrement de manière à prendre des mesures rapidement pour rattraper la situation au besoin. Il doit donc concrètement et réellement mettre en œuvre les mesures permettant d’assurer la santé et la sécurité du salarié en la matière. Pour faire court, les obligations pesant à cet égard sur l’employeur sont lourdes et difficiles à mettre en œuvre dans certaines organisations et nombreux sont ceux qui ne les respectent pas. Or, les conséquences financières sont hors de proportion avec la réalité des faits. En effet, nombre de salariés soumis au forfait-jours qui contestent, à tort ou à raison, la validité de leur licenciement, en profitent pour contester la validité de leur convention de forfait. Moyen plus ou moins affiché et plus ou moins efficace d’augmenter leurs chances d’obtenir des dommages-intérêts au terme de la procédure contentieuse. Généralement, le motif tient à l’insuffisance du suivi par l’employeur de la charge de travail du salarié. Quelle en est la conséquence ? Lorsque l’employeur ne respecte pas ses obligations rappelées ci-dessus, la convention de forfait individuel en jours est jugée nulle. Le salarié est alors considéré comme soumis à la durée légale du travail (35 heures) – puisqu’il n’est pas soumis à un régime individuel particulier.

Et c’est là que le bât blesse ! S’il est en mesure de démontrer son horaire de travail précis, le salarié réclame alors le paiement, sur trois ans, d’heures supplémentaires au-delà de 35 heures hebdomadaires avec les majorations applicables et le paiement de la contrepartie obligatoire en repos (et congés payés afférents), des dommages-intérêts pour non-respect de la durée du travail, pour travail dissimulé, pour atteinte à la santé du salarié, etc. La facture est extrêmement lourde pour l’employeur alors que bien souvent, la réclamation du salarié est purement opportuniste, n’ayant jamais même songé à contester sa durée du travail avant son licenciement. La Cour de cassation devrait utilement se pencher sur ce qui apparaît comme une totale injustice, une rémunération sans cause du salarié : ces salariés sont généralement rémunérés, non pas pour 35 heures, mais pour une durée du travail, aléatoire au jour le jour, mais nécessairement plus élevée que celle des salariés ordinaires. Si un salarié au forfait n’était rémunéré que pour 35 heures, ça se saurait ! En quoi est-il dès lors légitime de calculer les montants de la condamnation sur la base de cette rémunération forfaitaire alors que celle-ci est très supérieure à celle des autres salariés, justement parce qu’elle tient compte du fait qu’il ne suit pas l’horaire collectif, ne rentre pas chez lui tous les jours à 17 heures ? La question mérite d’être posée car un calcul sur une base de 35 heures est totalement illégitime.

Auteur

  • Viviane Stulz