Si le ministère du Travail vante les opportunités que la réforme offre aux entreprises pour optimiser leurs politiques de formation, ceux qui sont chargés de les concevoir se montrent davantage dubitatifs et craignent surtout les conséquences de la fin des fonds mutualisés, comme l’explique le président du Groupement des acteurs et responsables de formation (Garf).
Force est surtout de constater que les entreprises qui voudront développer les compétences de leurs salariés devront le faire à leurs frais puisque, demain, la contribution formation des entreprises sera essentiellement fléchée vers les jeunes ou les demandeurs d’emploi et que seules celles de moins de 50 salariés pourront accéder aux fonds mutualisés des Opco. Si les autres veulent être au rendez-vous de la compétitivité, il faudra qu’elles financent leurs plans de développement des compétences sur leurs propres budgets. Jusqu’à présent, les DAF et DRH de nos adhérents avaient l’habitude de récupérer une partie des contributions formation de leurs entreprises. Ce ne sera plus le cas et la réforme risque de les placer dans l’embarras.
Sauf que ce dispositif ne sera pas à la hauteur de ce que représentait la période de professionnalisation pour les entreprises ! L’annonce d’une prise en charge de Pro-A par les Opco à hauteur de 6 800 euros est certes intéressante, mais ce n’est pas pour autant que les entreprises l’utiliseront pour récupérer cet argent puisque Pro-A a vocation de reconversion professionnelle. Or, ce n’est pas forcément l’objectif recherché par les employeurs. Comment mobiliser Pro-A si l’entreprise n’a pas besoin de reconvertir ses salariés, mais juste de les faire monter en compétences ? En outre, si reconversion il y a, ce sera exclusivement sur un niveau maximal correspondant à un bac + 2. Insuffisant pour remplacer la période de pro. Personnellement, la dernière fois que j’ai utilisé la période de professionnalisation en tant que directeur formation d’Engie, c’était pour former un groupe de salariés à la gestion de projets. Demain, une opération de ce type ne sera plus possible.
C’est un sujet que je connais bien pour avoir passé une dizaine d’années au sein du campus des métiers de Veolia. À l’époque, monter une telle institution fut un véritable challenge, aussi bien sur le plan intérieur qu’extérieur. Et il n’aurait sans doute jamais vu le jour si Henri Proglio, qui soutenait vigoureusement toutes les initiatives en matière de formation, ne l’avait pas soutenu de toutes ses forces. Monter un CFA d’entreprise n’a rien d’anodin. C’est un projet qui exige la mobilisation des RH, une équipe projet solide, des compétences, une réflexion logistique sur la gestion des transports, de l’hébergement… et bien sûr un budget. Ça ne s’improvise pas. Les DRH devront y réfléchir à deux fois avant de proposer ce type d’initiatives lors d’un codir. En revanche, il peut être plus intéressant pour un grand groupe de monter un partenariat avec un CFA existant. Engie a d’ailleurs développé un projet de ce genre avec les Compagnons du Devoir.
Il a raison. C’est à cette condition que les CFA pourront gérer les flux d’entrées et de sorties permanentes puisque les cycles d’apprentissage ne seront plus calés sur l’année scolaire. C’est d’ailleurs ce que fait Engie avec les Compagnons du Devoir : les challenger pour les rendre plus agiles.
Cette possibilité date déjà de la précédente réforme de 2015 et très peu d’entreprises s’en sont saisies. Il faut dire qu’à l’époque certains Opca ont limite fait du chantage à leurs adhérents en les menaçant de perdre le bénéfice des fonds mutualisés s’ils venaient à internaliser le CPF. N’empêche : malgré ça, les entreprises qui ont quand même fait ce choix ont arrêté au bout de deux ans. J’ai l’impression que la mesure a fait pschitt ! Est-ce que la nouvelle mouture du CPF internalisé fonctionnera ? Je ne sais pas. Si j’étais DRH, je dirais qu’il est urgent d’attendre de voir ce que la mesure donnera chez les autres. Mais cette méfiance est normale puisqu’à l’origine, le CPF n’a pas été conçu pour être à la main des entreprises.