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Reforme de la formation : Le mode d’emploi pour les DRH

Le point sur | publié le : 10.12.2018 | Benjamin D’Alguerre

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Reforme de la formation : Le mode d’emploi pour les DRH

Crédit photo Benjamin D’Alguerre

Les dispositions des réformes de la formation professionnelle et de l’apprentissage entreront en vigueur entre 2019 et 2021. Comment les entreprises pourront-elles se saisir des nouveaux dispositifs contenus dans la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » alors que celle-ci rebat profondément les cartes du système qui prévalait depuis la loi fondatrice de 1971 (CPF à la main du salarié, apprentissage confié aux branches, fin des fonds mutualisés gérés par les Opca, sauf pour les TPE/PME…) ? « Si je me mets à la place des DRH et des directions de la formation, de quels outils de la réforme dois-je m’emparer pour upgrader ma politique formation ? », s’interrogeait Antoine Foucher, directeur de cabinet de la ministre du Travail, le 28 novembre dernier face aux adhérents de l’ANDRH. Réponses en forme de tour d’horizon.

Créer un CFA d’entreprise

Première recommandation suggérée par le directeur de cabinet de Muriel Pénicaud : permettre aux entreprises souhaitant optimiser leur politique de formation en fonction des nouvelles règles de créer elles-mêmes leurs propres centres d’apprentissage internes. Certaines n’ont d’ailleurs pas attendu le 1er janvier 2019 pour le faire. Adecco, le géant de l’intérim, a d’ores et déjà franchi le pas (lire notre article p. 14). L’assureur Axa envisage de faire de même, ainsi que l’équipementier automobile Norauto. Tel qu’imaginé dans la loi « Avenir professionnel », le CFA d’entreprise ne constitue pas une simple université d’entreprise améliorée, mais présente l’avantage de fonctionner à partir de financements garantis par le « coût au contrat » que les branches doivent avoir fixé entre le 1er février et le 1er avril 2019 et qui rentrera en vigueur au 1er janvier 2020, explique Antoine Foucher. Autre avantage de ce dispositif, selon lui : la part des « fonds libres » (13 %) de la future cotisation alternance que l’entreprise attribuera à l’établissement de son choix… pourra se voir affectée à son propre CFA ! Atout supplémentaire, selon le directeur de cabinet, l’entreprise qui disposera de son propre CFA pourra conserver la maîtrise de son calendrier : « Internaliser un centre de formation peut permettre de moduler l’entrée des apprentis tout au long de l’année, en fonction des besoins du business de l’entreprise. Ce genre de facilités calendaires est l’une des raisons du succès du modèle allemand de l’apprentissage ».

Challenger les CFA

C’est l’autre scénario à la main des entreprises afin qu’elles tirent le meilleur parti des CFA déjà existants avec lesquels elles contractent pour former leurs salariés. La réforme sera susceptible d’établir de nouvelles relations entre les centres de formation et les employeurs : « Cela créera davantage de concurrence entre les établissements. Non pas sur le prix, puisque celui-ci sera sanctuarisé par le financement au contrat, mais sur les services à procurer aux entreprises-clientes. Celles-ci pourront challenger les CFA sur les prestations que ceux-ci pourront leur apporter, comme la durée des cursus ou la capacité à accueillir des alternants toute l’année, par exemple », indique Antoine Foucher.

Recourir à Pro-A pour financer les reconversions

Nouveau dispositif d’alternance destiné aux salariés, « Pro-A » remplacera l’actuelle période de professionnalisation dès l’entrée en vigueur de la réforme. Outil de promotion sociale et de reconversion professionnelle, « Pro-A » pourra être mobilisée à destination de formations nécessairement qualifiantes ou diplômantes, jusqu’à un niveau équivalent à un bac + 2 ou à un BTS. Quant au contenu de la formation, il pourra être dispensé soit par le service formation de l’entreprise, soit par un opérateur extérieur. Bref, « une forme upgradée de la période de professionnalisation ! », résume le directeur de cabinet. Upgradée puisque, contrairement à la période de professionnalisation « ancienne version », Pro-A peut permettre d’accéder à 150 heures de formation diplômantes (contre 70 heures pour la période de professionnalisation). « Ce n’est plus la période de pro « à l’ancienne » qui se voyait trop souvent utilisée pour boucler le plan de formation… » Intérêt supplémentaire : Pro-A pourra être internalisé dans le plan de formation de l’entreprise. Avec un refinancement à la clé de 6 800 euros par les Opérateurs de compétences (Opco) pour chaque formation engagée à ce titre.

Innover dans la construction du plan de développement des compétences

Exit le plan de formation : la réforme le transformera au 1er janvier prochain en « plan de développement des compétences ». Le changement n’est pas que sémantique puisque les règles du financement mutualisé ont été profondément rebattues. Dès l’an prochain, seules les entreprises de moins de 50 salariés pourront accéder à des ressources mutualisées par les Opco. Les autres devront le financer sur leurs propres budgets, se servir des nouveaux moyens liés à l’alternance ou, possiblement, imaginer des dispositifs de contributions supplémentaires ou conventionnelles avec leur branche ou leur opérateur de compétences. Nouveauté de la réforme : une définition assouplie et simplifiée de la notion de l’action de formation ouvrant la voie à la prise d’initiative par les acteurs. S’en empareront-ils ? Antoine Foucher les y exhorte : « Allez-y à fond sur l’innovation, le digital ou le blended-learning. Demain, vous aurez toutes les cartes en main ».

Internaliser l’usage du CPF par accord majoritaire d’entreprise

Aujourd’hui, 87 % des salariés ignorent encore ce qu’est le compte personnel de formation (CPF). Demain, grâce à l’application smartphone (prévue pour le printemps 2019), cette statistique pourrait être revue à la baisse puisque ce droit sera à leur seule main et immédiatement disponible. Problème : ce dispositif de formation pourrait, du coup, totalement échapper aux directions des ressources humaines des employeurs puisqu’un salarié sera susceptible de choisir sa formation et la payer sans intermédiaire autre que l’appli… « Le CPF a été pensé pour être utilisé sans autorisation de l’employeur », confirme Antoine Foucher. Passera-t-il pour autant systématiquement sous le radar des DRH ou des directions formation des entreprises ? Pas nécessairement, rétorque le directeur de cabinet de la ministre du Travail. Ainsi, rien n’empêche une entreprise de négocier un accord majoritaire d’entreprise – comme les ordonnances Travail le permettent – visant à internaliser la gestion du CPF par l’entreprise, dès lors que cette dernière prévoit la mise en place d’abondements financiers (susceptibles d’être remboursés par la Caisse des dépôts). Cette solution présente cependant un risque, prévient Antoine Foucher : « Si l’accord d’entreprise donne le sentiment au salarié qu’il est restreint dans son choix de formation, l’opération peut échouer ».

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre