Face à la colère des Gilets jaunes, le gouvernement souhaite développer les aides aux transports et mettre à contribution les entreprises. Investies pour certaines dans des plans de mobilité, celles-ci mettent déjà la main au portefeuille pour inciter leurs salariés à rouler de façon plus économique et écologique.
Abandon de la taxe carbone sur le carburant, forfait mobilité durable, généralisation des aides aux transports… Face au mécontentement suscité par la flambée des prix du gazole, le gouvernement d’Édouard Philippe a enchaîné ces dernières semaines l’annonce de mesures destinées à soulager la facture des automobilistes. Afin de compenser la hausse des prix des carburants, et ainsi calmer la grogne des « gilets jaunes », Emmanuel Macron souhaite étendre sur tout le territoire le chèque transport en vigueur dans les Hauts-de-France. Depuis 2016, les salariés de la région gagnant moins de deux fois le smic, résidant à plus de 30 km de leur lieu de travail et contraints de prendre leur véhicule personnel, peuvent bénéficier d’un coup de pouce mensuel de 20 euros pour financer leurs trajets quotidiens domicile-travail. « Cette aide a été mise en place pour les gens qui n’ont pas accès aux transports en commun car ils habitent dans des zones mal desservies ou travaillent en horaires décalés. Certains habitants n’ont pas les moyens de prendre leur voiture et de faire le plein tous les jours. Notre objectif était de gommer les freins de retour à l’emploi », rappelle Franck Dhersin, vice-président chargé des transports et des infrastructures de transport au conseil régional des Hauts-de-France. En deux ans, 43 000 personnes ont touché cette gratification.
Pour dupliquer cette initiative, le chef de l’État compte sur le soutien financier des entreprises et des collectivités locales. « Il faut travailler avec les collectivités locales, les employeurs, intelligemment pour aider ces gens-là », a-t-il déclaré, tout en promettant de défiscaliser cette prime aux transports. Si la métropole de Nice envisage de suivre l’exemple des Hauts-de-France, l’Association des régions de France a adressé à l’État une fin de non-recevoir en l’enjoignant à financer lui-même ces mesures d’aides. Même son de cloche chez les employeurs qui s’estiment fortement pénalisés dans leurs activités par ce renchérissement du carburant et déjà lourdement taxés pour accompagner la transition écologique. « Nous sommes bien conscients des problèmes que peut poser la hausse des carburants pour les salariés en zones rurales notamment, mais il faut arrêter de considérer que les entreprises sont la réponse à tous les problèmes. Nous sommes totalement opposés à un nouveau prélèvement du type chèque transport », a rétorqué, dans Les Échos, Patrick Martin, le président délégué du Medef. Aujourd’hui, les entreprises sont déjà mises à contribution dans la mobilité des salariés via le versement transport, qui permet de financer les réseaux de transports publics, mais aussi depuis 2009, par la prise en charge de 50 % du prix de l’abonnement aux transports en commun ou aux services publics de location de vélo.
Au-delà de ces obligations, les employeurs ont la possibilité, par accord d’entreprise ou décision unilatérale, de rembourser une partie des frais de carburant ou d’alimentation des véhicules électriques engagés par leurs collaborateurs pour les déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail. Exonérée de charges et de cotisations sociales à hauteur de 200 euros par an et par salarié, cette prime transport est réservée aux habitants des zones dépourvues de transports urbains ou exerçant en horaires décalés. « En 2005, FO s’est mobilisée pour que les salariés qui n’ont pas d’autres solutions que de prendre leur voiture pour aller au travail et qui se retrouvent pénalisés en matière de pouvoir d’achat bénéficient d’une compensation. Mais, par crainte d’une distorsion de concurrence, beaucoup d’entreprises sont encore réticentes à mettre œuvre cette prime qui reste facultative », constate Yves Veyrier, secrétaire général de FO. En plus de revaloriser le plafond d’allègement des cotisations sociales, la centrale appelle à renvoyer les négociations de cette prime au niveau des branches afin de s’assurer que tous les salariés puissent en profiter.
Si les entreprises sont frileuses à verser des primes transport, nombre d’entre elles incitent leurs collaborateurs, dans le cadre de leur plan mobilité, à délaisser leur voiture et à privilégier des modes de transport plus vertueux grâce à des avantages financiers. « En plus de permettre aux salariés de réaliser des économies en carburant, les mobilités douces et alternatives améliorent aussi la santé et le bien-être au travail tout en contribuant à la réduction des émissions de CO2 », insiste Bruno Renard, président de la Fédération des acteurs de la mobilité et responsable RSE du CEA Grenoble.
Ce centre de recherche de l’énergie atomique encourage ses salariés à venir davantage au travail en transport en commun en portant sa participation à l’abonnement à 85 % ou en covoiturage en remboursant la place du passager à la même hauteur. Il a également négocié des tarifs avec la société d’autopartage City. De leurs côtés, RTE et Orange versent à leurs salariés l’indemnité kilométrique vélo, une prime de 25 centimes par kilomètre parcouru et plafonnée à 420 euros par an. « Nous ne versons pas de prime transport car celle-ci ne correspond pas à nos engagements RSE. En revanche, nous venons en aide à nos salariés qui font l’effort de ne pas venir travailler avec leur voiture individuelle et qui se déplacent avec des moyens de transport propres », précise Marie-Claire Gandon Françon, référente nationale plan de mobilité chez Orange. Pour aller plus loin, le groupe de télécoms prend en charge jusqu’à 200 euros l’acquisition d’un deux-roues électrique et le coût de l’abonnement à la solution de covoiturage Klaxit. Dès 2019, les employeurs pourront suivre le mouvement en contribuant au trajet domicile-travail de leurs salariés covoitureurs ou cyclistes en finançant sur la base du volontariat un « forfait mobilité durable » limité à 400 euros par an. Une mesure annoncée par Élisabeth Borne, ministre des Transports, dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités qui sera étendue en 2020 au public. Le message est clair : désormais, pour rouler moins cher, rouler écolo.