Je suis souvent surprise de l’aplomb de certaines personnes. Elles vous font l’éloge de leurs compétences, de leur valeur, et des projets qu’elles sont en train de réussir avec tellement d’assurance que j’en suis presque mal à l’aise. J’ai l’impression de voir un coq ou un paon me faire une démonstration de fierté.

Après tout, où est le problème ? Chacun se débrouille comme il peut avec la question délicate de l’estime de soi ! À l’époque des selfies, du marketing personnel et des séminaires d’assertivité, pourquoi ne pas entretenir soi-même son image au lieu d’attendre la reconnaissance d’autrui ? L’ennui est que trop d’étalage de certitude constitue un raccourci et n’est pas le chemin le plus fertile pour avancer.

Effectivement, statuer que l’on est une personne de valeur ne relève pas du registre de la déclaration. Mais plutôt de l’expérience intime. Aurait-on besoin de claironner sa confiance si celle-ci était vécue intérieurement ? Bien sûr, chacun peut pratiquer la méthode Coué en répétant qu’il est valable, les mots finissent bien par favoriser la réalité. Mais c’est tout de même coller une rustine sur une personnalité en recherche d’elle-même.

Or c’est dans cette quête intérieure que se cache l’art de la personnalité. Et le doute en fait partie. Aujourd’hui, nous avons le sentiment de vivre une nouvelle donne dans presque tous les registres : société, économie, climat, vie des entreprises, santé, relations au travail, vie familiale, avenir des enfants… tous nos repères habituels sont chamboulés. Nous avons beau multiplier les efforts pour préserver notre équilibre, les stabilisations sont éphémères.

Quand on vit mal la turbulence ou que l’on hésite dans ses choix, il est sain de se questionner et de laisser mûrir les choses. La « troisième voie » entre deux solutions tranchées surgit souvent de l’interrogation personnelle. Le doute et la patience permettent d’approfondir. À nous de faire confiance à ce processus un peu curieux, dont notre esprit et notre cœur ont besoin pour trouver le chemin juste. Très souvent d’ailleurs, l’individu sort grandi d’une période de doute. S’accrocher à ses certitudes aurait probablement freiné son avancée.

Il est donc temps de regarder les choses autrement, car ces perturbations et ces émotions – certes inconfortables – ont un sens. Même si notre culture fustige la peur et l’incertitude, réservées aux faibles, le doute présente des avantages : il remet en question les situations établies. Il secoue, pousse l’individu à se réveiller. Grâce à lui, chacun développe ses antennes, sa vigilance. Étant davantage en alerte, on écoute, observe et analyse plus finement, car on cherche à comprendre ces nouvelles situations et ces ressentis.

Un grand mouvement d’éveil des perceptions est en cours. Le cerveau instinctif que nous avons hérité de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs a évolué. Notre pensée rationnelle et spéculative s’est développée avec le succès que l’on connaît. Aujourd’hui, les personnes élargissent encore leur champ de conscience : elles captent, ressentent, développent leur intuition et leurs perceptions. Vers davantage de sagesse, espérons-le !

Dans la grande aventure de l’humanité, mieux vaut être explorateur qu’imbu de certitudes. Saurons-nous faire du doute notre allié, afin de franchir de nouvelles étapes de conscience ?