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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 10.12.2018 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

En avant toutes ?

L’un des livres qui a fait le plus parler en 2013 fut Lean In : Women, Work, and the Will to Lead (éd. Knopf), traduit en français par En avant toutes – Les femmes, le travail et le pouvoir (JC Lattès, 2013). Écrit par Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Facebook et considérée comme une des femmes les plus puissantes du monde, il s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires.

Ce livre a fait parler de lui parce qu’il invitait les femmes à se secouer, se retrousser les manches, à aller de l’avant, ce qui détonne par rapport aux discours féministes consistant à mettre l’accent sur les discriminations et, parfois, à présenter les femmes avant tout comme des victimes. Trois chercheurs, Donna Chrobot-Mason et Jasmine Burno, de l’université de Cincinnati, et Jenny M. Hoobler, de l’université de Pretoria, se sont demandé si les affirmations de Sheryl Sandberg étaient vraies.

Ils ont alors comparé les six principaux arguments de l’auteure aux travaux de recherche sur l’égalité professionnelle. Voici le résumé de leur article publié récemment dans Academy of Management Perspectives1.

1. Est-ce que les femmes se brident elles-mêmes ? La littérature montre en effet que les femmes se sentent moins confiantes et moins habiles en matière de leadership. De même, elles ont tendance à sous-estimer leurs réalisations et à moins mettre en avant leurs réussites. Toutefois, cela ne signifie pas que les femmes ne désirent pas occuper des postes à responsabilité.

2. Est-ce que les femmes mettent le pied sur le frein parce qu’elles anticipent de consacrer une grande place à leur famille ? La littérature ne valide pas cet argument : les femmes qui refusent des postes à responsabilité ou quittent leur travail le font avant tout de manière contrainte. D’autres peuvent vouloir tout mener de front et risquent le burn-out ou finissent par baisser les bras d’épuisement.

3. Les femmes devraient changer leur état d’esprit pour ignorer les messages négatifs qu’elles reçoivent ? La littérature indique que les stéréotypes de genre ont effectivement un impact négatif sur les femmes. Il est difficile pour les femmes d’y faire face, mais elles gagnent en effet à contrôler leurs réactions et adopter un état d’esprit positif.

4. Les femmes doivent mettre leurs peurs de côté ? La littérature abonde dans ce sens : les femmes gagnent à s’identifier plus au leadership et à avoir plus de confiance dans leurs capacités à occuper des postes à responsabilité.

5. Les femmes doivent chercher de l’aide auprès de mentors pour avoir des conseils et du soutien ? La littérature confirme globalement cette assertion : le mentorat est efficace (sous certaines conditions). Le fait d’avoir des personnes modèles (role model) est aussi positif.

6. Il faut être authentique ? Les travaux de recherche sont ambivalents sur ce point : d’un côté, il faut faire preuve de qualités dites masculines pour être promu à des postes clés ; de l’autre les femmes qui font preuve de ces qualités peuvent être pénalisées car elles s’écartent des stéréotypes associés aux femmes.

Le livre de Sheryl Sandberg, même s’il est incomplet, est donc globalement cohérent par rapport aux connaissances scientifiques. Contrairement aux livres défaitistes qui découragent, il a le mérite de donner de bons conseils aux femmes.

(1) Chrobot-Mason, D., Hoobler, J., & Burno, J. Lean In Versus the Literature : An Evidence-Based Examination. Academy of Management Perspectives.

Auteur

  • Denis Monneuse