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Marque employeur : Les nouveaux habits du salarié ambassadeur

Le point sur | publié le : 03.12.2018 | Lys Zohin

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Marque employeur : Les nouveaux habits du salarié ambassadeur

Crédit photo Lys Zohin

L’employee advocacy – la méthode qui consiste à faire de certains collaborateurs de l’entreprise des ambassadeurs – évolue, en offrant compétences éditoriales et sens accrus. Mais elle ne va pas sans une réflexion préalable concernant l’engagement des salariés.

« Avant, on disait surtout aux collaborateurs ce qu’ils ne devaient pas faire, s’insurge François Guillot, directeur associé d’Angie, une agence en stratégie digitale et éditoriale, qui conseille ses clients sur leurs programmes d’employee advocacy. Attention à la confidentialité. Pas question d’engager l’entreprise, vos propos sont les vôtres. Et pas de commentaires mal venus ni de participation à des controverses ou des débats déplacés… » Autant dire que certaines d’entreprises, qui sentaient confusément l’intérêt, pour leur image et leur communication, de faire jouer un rôle aux salariés sur les réseaux sociaux, avaient du mal à définir les bonnes pratiques de l’employee advocacy – autrement dit, de la volonté de transformer le collaborateur en avocat ou en ambassadeur de la société. Elles se contentaient de lignes directrices, qui incluaient même des admonestations du genre : « Vous avez le droit de ne passer que tant de temps sur les réseaux sociaux par jour »….

Certes, le marketing, car c’était souvent, selon François Guillot, de ce département qu’émanait l’idée d’un programme d’employee advocacy dans le but de vanter les produits, offrait aux salariés une plateforme bourrée d’informations, qu’ils n’avaient plus qu’à « pousser » sur les réseaux sociaux.

Rien d’obligatoire, cela va sans dire, même si la pression pouvait exister… Le résultat ? Il tenait souvent plus de « l’effet perroquet » – les salariés se contentant de partager, en un clic, les mêmes informations – que de propos individuels marquants.

Gare à l’instrumentalisation

Bref, non seulement on frisait l’instrumentalisation des salariés, mais en plus, on s’embourbait parfois dans des contradictions flagrantes. « Dans certains cas, la culture d’entreprise, très verticale, interdisait que l’on parle à un N + 2 sans en avoir déjà référé à un N + 1, alors qu’en parallèle, on disait aux salariés qu’ils étaient « libres » de s’exprimer sur les réseaux sociaux ! », s’amuse François Guillot. De tels phénomènes sont-ils totalement gommés aujourd’hui ? Pas sûr. « Les entreprises sont sans doute encore quelque peu gênées, relève ainsi Marie Gonon, coach professionnelle. Mes clients, des entreprises pour lesquelles je coache dirigeants ou managers, notamment dans la banque-assurance, ne m’ont jamais fait de demande en matière d’employee advocacy. Je crois qu’elles restent prudentes quant à leur potentielle influence sur leurs salariés. » Selon cette spécialiste, le programme doit être assorti au préalable d’un « contrat » transparent, entre l’entreprise et le salarié, s’appuyant sur la liberté d’expression de ce dernier. « Valoriser des salariés qui auraient un « contrat caché » – celui de dire du bien de l’entreprise – me paraît pour le moins malsain », renchérit-elle. Et elle avoue qu’elle aurait du mal à apporter du crédit à une communication émanant des salariés si elle avait le moindre soupçon de « pression morale » de la part de la direction de l’organisation…

L’engagement d’abord

Tout cela souvent parce qu’en amont, « personne n’avait mené une réflexion sur l’engagement des collaborateurs avant de lancer ces premières initiatives d’employee advocacy », précise François Guillot. Or sans engagement, pas d’advocacy (voir par ailleurs). Une relation intéressante, d’autant que les deux ont tendance à se renforcer mutuellement…

Employee advocacy au programme ou non, les entreprises sont nombreuses à vouloir accroître l’engagement des collaborateurs. Mais attention. Là non plus, pas question de lancer une nouvelle injonction. « L’engagement ne peut être déconnecté des besoins du salarié », précise ainsi Marie Gonon. Mais si l’organisation doit mettre en place des leviers, tel qu’un style de management favorable à l’autonomie du collaborateur, ce dernier doit lui-même également être « en quête ». En quête de sens sur les activités de l’entreprise et en quête de nouvelles choses à apprendre, le tout afin de trouver son épanouissement dans son travail.

Une fois la question de l’engagement « réglée », les entreprises qui misent sur l’employee advocacy tendent à sélectionner ceux qui, parmi les salariés, sont déjà actifs sur les réseaux sociaux pour les inciter à jouer le rôle d’ambassadeur en communiquant de manière « naturelle ». « Il ne s’agit plus de donner des outils de type plateforme ou du contenu éditorial. Aujourd’hui, les entreprises, en général les plus grandes, accompagnent le salarié dans l’advocacy », précise François Guillot. Elles organisent une montée en compétences sur les réseaux sociaux – à cet égard, LinkedIn, qui peut accueillir de petits articles, est privilégié plutôt que Twitter –, de même qu’elles œuvrent à une plus grande aisance éditoriale. Certaines offrent des séminaires sur « les 10 manières d’écrire un tweet », au même titre que les écoles de journalistes enseignent les différentes façons de titrer un article. Ces ateliers visent à cultiver l’originalité du contenu, en particulier pour les ambassadeurs qui sont déjà rompus à l’exercice d’expression sur les réseaux sociaux. Au point qu’aujourd’hui, « le but n’est plus tant de risquer l’instrumentalisation que de lutter contre l’autocensure des collaborateurs », conclut François Guillot. La créativité au pouvoir donc !

Expérience ambassadeur

Certaines organisations vont même plus loin, en privilégiant ce qu’on pourrait appeler l’expérience ambassadeur, comme l’on parle d’expérience collaborateur. Il s’agit ainsi d’inviter les ambassadeurs désignés à un évènement, allant en général dans le sens d’une meilleure connaissance de l’entreprise et d’une plus grande compréhension de ses enjeux – on pense à une visite d’usine d’embouteillage aux États-Unis pour des collaborateurs de Coca-Cola France, par exemple, une conférence sur le marché de l’acier pour les salariés/ambassadeurs d’un constructeur automobile, ou, s’il s’agit de mettre en lumière les efforts consentis pour l’environnement, un atelier sur le recyclage, par exemple. Et si l’idée est de mettre en avant l’une des valeurs de l’entreprise, comme la persévérance ou la résilience, une visite au Mont-Blanc, disons, assortie d’une discussion avec un alpiniste. Avec un but : que ces ambassadeurs puissent ensuite partager leur expérience personnelle sur les réseaux sociaux, bien entendu…

Auteur

  • Lys Zohin