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Un peu plus de solidarité ?

Chroniques | publié le : 03.12.2018 |

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Un peu plus de solidarité ?

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Philippe Détrie la maison du management

La question même posée timidement mérite réflexion. Notre monde de marge brute fait souffrir beaucoup de personnes. Il ne va pas dans la bonne direction, alors que nous réclamons tous du bon sens !

Un monde peu solidaire

Un triple constat.

• Un hyper-individualisme borné nous recroqueville derrière nos murs. Nous cherchons la sécurité avant tout, l’autre est étranger (comment pouvons-nous encore garder ce terme pour désigner quelqu’un qui simplement n’est pas de notre pays !). Les populismes actuels encouragent ce repli oppressant.

• L’égoïsme de l’entreprise devient difficilement supportable. L’économiste néolibéral Milton Friedman enseignait que l’objectif de l’entreprise est « la maximisation du profit ». La citation date du siècle dernier, heureusement ! Plus personne ne reconnaît l’intérêt de passer sa vie professionnelle à étrangler salariés, fournisseurs, partenaires de toutes sortes…

• L’opinion publique ressent de plus en plus mal l’écart de richesses, même si chacun voit midi à sa porte. Car comment se fait-il que nous dénoncions tous sans vergogne l’écart entre les hyper-riches et nous, et très peu celui entre nous et les hyper-pauvres. Que faisons-nous ?

Une nouvelle aspiration : une richesse mieux partagée

Trois acteurs sont à la manœuvre : le salarié, l’entreprise, la société.

• Le dernier rapport de l’ONG Oxfam dénonce un rapport des profits très défavorable aux salariés. « Depuis 2009, les salaires des PDG du CAC40 ont augmenté environ deux fois plus vite que la moyenne des salaires de leurs entreprises… Ils gagnent à présent 119 fois plus que la moyenne des salariés. » Les salariés supportent en plus les risques de l’entreprise sans recevoir la moindre contrepartie.

• Le monde de l’entreprise réclame du travail qui fait sens. DRH et managers s’arrachent les cheveux pour relier des objectifs légitimes de résultat à des envies de s’engager pour une cause autre que celle d’enrichir des rentiers inconnus. L’objectif n’est pas le sens, que propose-t-on alors ?

• La société dénonce l’accroissement des inégalités. Hubert Sagnières, le PDG d’Essilor, le déclare : « La captation du profit par un petit nombre n’est plus tenable. » Où sont en France les Bill Gates, les Warren Buffet qui donnent 80 % de leur fortune alors que beaucoup de « nos » actionnaires ne sont intéressés que par une défiscalisation maximale ?

Du marchand au marchant

Comment faire pour apporter de la solidarité ?

Trois idées de mise en mouvement, à trois niveaux :

• se doter d’une mission qui vise, au-delà du but lucratif, un impact mesurable positif pour la société et l’environnement au sens large (cf. rapport Notat-Senard) et en déduire la gouvernance pertinente.

• définir collectivement son projet d’entité et le décliner, comme le fait le constructeur-carrossier Gruau depuis plus d’un siècle (6e projet d’entreprise !), en cinq contributions : entreprise, clients, collaborateurs, partenaires, société.

• organiser des rencontres solidaires. Ségolène Delahalle et Arnaud Fimat, fondateurs de la coopérative Ça me regarde, organisent depuis sept ans des chantiers solidaires : « L’entreprise est tournée sur elle-même, enfermée dans ses rythmes et ses intérêts. Or aider les plus faibles réveille le meilleur. Nous ne donnons pas de conférence sur la solidarité, nous la faisons vivre. On peut vous dire après 400 rencontres que beaucoup de participants qui y allaient en mode charité pour se donner bonne conscience ont gagné en ouverture, prise de recul, cohésion, utilité. Vivre cette expérience permet ensuite d’importer le nouvel état d’esprit dans l’entité, c’est bluffant ! »

Victor Hugo l’avait magistralement écrit : « L’esprit s’enrichit de ce qu’il reçoit, le cœur de ce qu’il donne. »