logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Sur le terrain

Santé au travail : Au Canada, le cannabis met les RH en pétard

Sur le terrain | publié le : 26.11.2018 | Ludovic Hirtzmann

Image

Santé au travail : Au Canada, le cannabis met les RH en pétard

Crédit photo Ludovic Hirtzmann

La légalisation de la vente et de la consommation de marijuana constitue un véritable casse-tête pour les services canadiens des ressources humaines.

Au Canada, l’héroïne, c’est le cannabis. Depuis sa légalisation le 17 octobre dernier, le chantier du cannabis s’avère titanesque, notamment pour les employeurs. La première victime au travail de la marijuana, du « pot », comme disent les Québécois, est un policier de Toronto. La police municipale de la plus grande ville canadienne a interdit à ses policiers de consommer de la marijuana en tous temps. Le jeune policier a, lui, consommé trois barres de chocolat énergétique au cannabis alors qu’il était de permanence. L’homme a fait un malaise et a dû appeler le 911, le police-secours canadien ! Le service des RH de la police de Toronto l’a licencié. Un juge, au cours d’une première audition à la mi-novembre, l’a traité de « parfait idiot ». Si l’histoire du policier intoxiqué prête à sourire, les errements d’Ottawa et des gouvernements provinciaux sur la conduite à tenir en matière de consommation de « pot » sur les lieux de travail sont inquiétants. Et contradictoires. Les policiers montréalais ont le droit de consommer du cannabis en dehors de leurs heures de service, mais pas les policiers torontois. Si la plupart des Canadiens n’ont pas le droit de fumer au travail, l’application demeure floue. À la ville de Montréal, les milliers d’employés doivent venir « aptes au travail », ce qui reste bien vague.

Les femmes moins accrocs que les hommes

La marijuana est devenue respectable et tendance. Même l’ex-Premier ministre canadien, Brian Mulroney, vient à 80 ans de rejoindre le conseil d’administration d’une firme de cannabis. Brian Mulroney fume-t-il ? Peu probable. Selon plusieurs études, la consommation de « pot » diminue avec l’âge. Elle est aussi moins importante chez les femmes que chez les hommes. En revanche, elle est autant présente chez les managers que chez les employés. Si les lois varient d’une province à l’autre, au Québec, l’employeur a le devoir de protéger la santé de ses employés sur les lieux de travail. Il peut même interdire totalement la consommation de cannabis, à condition toutefois d’avoir mis en place une politique claire sur le sujet. En revanche, l’employeur n’a pas le droit d’effectuer des tests de dépistage aléatoires. Selon plusieurs observateurs, la légalisation, situation inédite en droit du travail, amènera les travailleurs québécois, très procéduriers, à effectuer de nombreux procès.

Selon une étude réalisée fin octobre par le cabinet de consultants en RH Morneau Shepell, à peine 34 % des entreprises canadiennes ont mis en place une politique d’encadrement du cannabis. Dans un guide1 rédigé par des conseillers RH de l’Ordre des conseillers en relations industrielles agréés du Québec (CHRA) sur la consommation de cannabis, le directeur de l’analyse et des affaires publiques du groupe de consultants Octane, Hugo Morissette, souligne : « Lorsqu’il s’agit de prévention, les meilleures pratiques sont la sensibilisation des travailleurs, la formation des gestionnaires, ainsi que l’implantation et la communication d’une politique en la matière. Les mesures relatives à l’usage du cannabis et les sanctions qui en découlent peuvent très bien être intégrées à une politique globale portant sur la consommation d’alcool, de médicaments et de drogues au travail ». Le cabinet Morneau Shepell recommande en revanche de mettre en place une politique spécifique pour le « pot », afin de bien rappeler aux employés que la légalisation ne signifie pas droit à la consommation dans l’entreprise. Et surtout d’aller plus loin avec de la communication, de la formation et un soutien aux employés dépendants. Mais aussi de disposer à la DRH d’une personne ressource pour répondre et écouter les salariés sur les questions sur la marijuana. « Il faut vraiment que les employeurs aient un plan stratégique pour résoudre ces thématiques (sur le cannabis) », souligne Paula Allen, la vice-présidente de Morneau Shepell. Selon un avocat montréalais en droit du travail qui préfère rester anonyme « la consommation de drogues est un faux problème. Elle est déjà fréquente dans certains milieux professionnels, notamment chez les avocats qui effectuent de nombreuses heures de travail et consomment de la cocaïne ». Comme un coup de pouce.

(1) Comment s’adapter à la légalisation du cannabis dans les milieux de travail ; collectif ; CHRA.

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann